vendredi 16 novembre 2012

Argentine, les sémences sous controle des multinationales?

Mobilisation 
autour d’un projet de loi 
sur les semences 
en Argentine

par Estelle Leroy-Debiasi

Le ministère de l’agriculture argentin travaille à l’élaboration d’un texte de Loi sur les Semences. Ce projet de loi briderait la liberté des paysans ou petits agriculteurs « familiaux » en faisant la part belle aux multinationales des semences.
Des association en Argentine dénoncent le fait que la future loi ne protège ni le savoir, ni la biodiversité,

Plusieurs associations dont Biodiversidad en América Latina y el Caribe se mobilisent, lancent une pétition. Elles dénoncent le fait que la future loi ne protège ni le savoir, ni la biodiversité, patrimoine collectif des peuples indigènes et des communautés paysannes, mais favorise nettement les grands acteurs des semences dont Monsanto et Syngenta.

Ce texte, selon ces opposants, touche au droit à l’alimentation, mais aussi ouvre les portes à l’expropriation et la privatisation de la biodiversité agricole en Argentine, d’autant s’il est étendu à toutes les espèces végétales. Il suffirait de faire un simple travail de sélection sur des espèces pour considérer celles-ci comme de nouvelles variétés et en revendiquer la propriété.

En même temps, le texte encadrerait et restreindrait les principes même de l’agriculture comme le fait de sélectionner, améliorer, obtenir, garder, multiplier et échanger des semences à partir de la récolte précédente, ce qui est un droit fondamental des agriculteurs et reconnu par le Traité des Ressources Phytogéniques de la FAO, dont l’Argentine est signataire.

Or le projet de loi risque donc d’empêcher les communautés paysannes d’améliorer et d’échanger librement leurs semences. De plus, la combinaison de ce texte avec la loi sur les brevets, rendra possible la pénalisation des agriculteurs dont les variétés auraient été contaminées par la proximité par des cultures transgéniques.


Il prévoit aussi de renforcer l’introduction de nouvelles cultures transgéniques et leur développement, en donnant la propriété sur des variétés sans exiger la preuve effective ou réelle d’une modification ; seule exigence : la différenciation de caractère, ce qui permet de simples manipulations par les multinationales sur des variétés anciennes pour se les approprier, explique t-on. 

Pour les associations de défense de la biodiversité, il va créer des conditions permettant d’étendre la présence des grandes multinationales des semences aux dépens du développement national. L’expérience mondiale a montré que les lois sur la propriété industrielle sur les plantes ont provoqué une concentration extrême de la production de semences. 
Ce qui participe à provoquer une hausse des prix des semences, touchant ainsi la production agricole et donc la souveraineté alimentaire. 

Et à accroitre ainsi le pouvoir quasi politique donnés aux grands acteurs des semences. Le texte prévoirait la confiscation, voire la destruction des cultures et récoltes, voir l’embargo à l’exportation, pour qui se verra accusé de ne pas respecter la loi. 

Enfin, les organisations dénoncent vivement le processus d’élaboration du projet de loi qui manque de transparence, intégrant seulement dans la discussion les acteurs de l’agro-business, et écartant la société civile ou les représentants des communautés paysannes ou autochtones concernées au premier rang. 

Curieusement le projet de loi intervient alors qu’a été donnée l’approbation au texte sur le soja rr2 de Monsanto ; or le géant fait pression sur l’Argentine pour accroitre sa « sécurité juridique » afin d’introduire de nouvelles cultures transgéniques.


 Source : Article d'Estelle Leroy-Debiasi 
pour El Correo