Haïti-Histoire :
Pourquoi Vertières
en
2012 ?
Par Philomé Robert (*)
N’étant pas historien, étant de surcroît un journaliste
solidement amarré, peut-être malgré moi, à l’immédiateté, à l’information
internationale en continu, je dois dire que je ne me reconnais aucune
légitimité à évoquer, même brièvement, ce chapitre de l’histoire d’Haïti. Mais
ce serait une lâcheté, sinon une faute de ma part, si je me dérobais. Que je
veuille l’admettre ou non, cette bataille, qui précipita la fin de la guerre
d’indépendance haïtienne, la deuxième guerre d’indépendance en Amérique après
celle des États-Unis contre l’Angleterre, est un marqueur fort dans notre vie
de peuple.
Comment ne pas frémir à l’évocation de cette journée de
gloire, qui ne fût pourtant pas tout de suite reconnue en tant que telle, et
par ceux qui l’ont vécue et par ceux qui, par la suite, en ont tiré
profit ?
L’Haïtien étant patriote sans grand effort, quoiqu’on puisse
questionner ce qu’est devenu, depuis plusieurs décennies, le patriotisme à
l’haïtienne, il n’est pas vain de mettre l’accent sur cette fierté qui s’empare
des cœurs et des poumons à l’évocation de ces faits d’armes.
Là, les noms des héros célèbres jaillissent :
Dessalines bien sûr, Clervaux, Gabart, Jean Pierre Daut et surtout François
Capois, dit Capois La Mort qui, selon l’expression consacrée, s’est couvert de
gloire ce jour-là. Cette dernière expression ayant été utilisée à juste titre
par l’ennemi, le général Rochambeau, commandant des bataillons français.
Vertières, aussi, pour moi, ce sont les prémices de cette
Haïti qui se dessine, encore Saint-Domingue, que Napoléon Bonaparte, en dépit
du bon sens, et alors même que l’esclavage avait été aboli 11 ans plus tôt sous
l’impulsion de l’Abbé Grégoire – on sait que, par la suite, il y a aura une
deuxième abolition en 1848-, décide d’asservir de nouveau.
Ce sera l’expédition de 1801, commandée par son beau-frère,
le général Charles Victoire Emmanuel Leclerc. Ce dernier, tout à son
arrogance, investi de cette mission sacrilège, eût la mauvaise idée de demander
aux commandants, qui détiennent les bastions insurgés, de se rendre, sous peine
de passer par la mitraille. Une diplomatie de la canonnière, que la France
utilisera honteusement contre le nouvel État en lui faisant payer son
indépendance jusqu’en 1972.
Mais, ne nous égarons pas, c’est un autre sujet.
Écoutons plutôt la réponse que fit, en 1801, deux ans avant
Vertières, le général Henri Christophe, commandant de la ville du Cap à
Leclerc :
« Si vous avez toute la force dont vous me menacez, je
vous opposerai toute la résistance qui caractérise un général et, si le sort
des armes vous est favorable, je ne vous livrerai la ville du Cap que
lorsqu’elle sera réduite en cendres et, même sur la cendre, je vous combattrai
encore ».
Voilà Vertières, avant Vertières.
Cette déclaration héroïque, face à l’armée la plus puissante
du monde à l’époque, apparaît, non seulement comme un magistral acte de
bravoure, mais aussi et surtout comme un cri venu du tréfonds des tripes, pour
signifier à l’ennemi un féroce appétit de vivre libre.
En vérité, ce cri, qui a explosé avant et pendant Vertières,
peut être repris aujourd’hui dans toute son intégralité.
Vivre face à la défaillance et les grotesques comédies
d’État.
Vivre face aux éléments naturels : séismes, ouragans,
cyclones et autres méga-tempêtes.
Vivre, malgré l’horizon qui s’obscurcit.
Vivre, parce qu’il le faut, car Haïti reste une formidable
promesse.
Les beaux fantômes de 1803, revêtus de leurs habits de
gloire et de lumière, sont là pour nous le rappeler à chaque instant.
Notes :
(*) Journaliste à France 24
(1) La bataille de Vertières s'est déroulée à Vertières
près du Cap-Français
dans le nord de l'ancienne colonie française de Saint-Domingue
(aujourd'hui Haïti), le 18 novembre 1803. Elle opposa les troupes
commandées par le
général de Rochambeau et à celles du général Jean-Jacques Dessalines, chef indépendantiste, né esclave. Ce fut la dernière bataille
de l'Expédition
de Saint-Domingue. La surprenante résistance des troupes rebelles menées
par Dessalines et la contribution de la 9e brigade commandée par François Capois à
la victoire finale obligèrent Rochambeau à capituler. (source wikipedia)
Source : article d’AlterPresse Haïti