des Indiens
Guarani-Kaiowá de Pyelito Kue, au Brésil
Par Emmanuelle Leroy Cerqueira, traduction d’Ines Pereira
La communauté des Guarani-Kaiowá de Pyelito Kue / Mbarakay
dans l'État du Mato Grosso do Sul, a mené à une mobilisation massive au
Brésil et aussi à l'étranger. Dans la municipalité de Iguatemi, à nouveau sous la menace d'une
expulsion de leurs territoires : Plusieurs pétitions ont été signées
en soutien aux Guarani-Kaiowa et la mobilisation a été un succès.
Puisque le tribunal régional fédéral de la troisième région, à São Paulo, a suspendu l’opération d’expulsion du campement où ils se trouvent, répondant à la demande de la Fondation Nationale de l'Indien (FUNAI).
Maria do Rosário, la sécrétaire aux Droits de l’homme de la
Présidence de la République, a annoncé le 30 octobre sur Twitter :
Nous venons d'apprendre que la justice a suspendu l’action de reprise de
possession du territoire des Guarani-Kaiowá. L’appel du gouvernement fédéral a
été accepté !
Les 50 hommes, 50 femmes et 70 enfants de la tribu
Guarani-Kaiowá pourront rester au coeur de la ferme Cambará, à Iguatemi, dans
l’état du Mato Grosso do Sul, où ils sont confinés sur un terrain de 2 hectares
(l'équivalent de deux terrains de football). La décision demeurera donc
en vigueur jusqu'à la fin de l'identification et de la démarcation des
territoires indigènes par la FUNAI.
La solution est précaire, puisque les relations avec le
propriétaire des terres demeurent tendues et dangereuses. Mercredi 24 octobre,
on apprenait qu’une femme, originaire de Pyelito Kue, avait été sexuellement agressée par huit hommes pour une ferme, comme l'ont
dénoncé les amérindiens.
Le Ministère de la Justice a envoyé de nouveaux renforts
de la Force nationale pour maintenir l'ordre dans la région
D’après le Procureur de la République Marco Antonio Delfino de Almeida, la mobilisation des réseaux sociaux a été
un succès : La mobilisation des réseaux sociaux a
été déterminante pour arriver à ce genre de résultat. Elle a provoqué une
réaction jusque là inédite pour un gouvernement quand il s'agit de traiter des
droits des peuples indigènes.
Les dirigeants Guarani-Kaiowá, dénonçant un génocide contreleur ethnie [fr], se sont réjouis de la décision judiciaire, mais ils
ont estimé que seule la démarcation desterres [fr] mettra fin au conflit entre les Indiens et les
producteurs agricoles de la région. Ils cherchent à augmenter le réseau de
solidarité pour le peuple Guarani-Kaiowá. La lutte n'est pas seulement contre
les expulsions, mais aussi pour la démarcation définitive des terres indigènes.
Il faut savoir que dans l'Etat de Mato Grosso do Sul,
43 000 Indiens Guarani-Kaiowa revendiquent un retour sur leurs terres d’origine
qu’ils appellent “tekoha”, littéralement “le lieu où il est possible de vivre à
notre manière”. Ils souhaitent quitter les réserves et installent des
campements, qui, la plupart du temps sont légaux.
Il existe aujourd’hui plus de
30 campements Guarani-Kaiowá confinés sur les bords des routes ou à l’intérieur
des “fazendas”, dans des zones qu’ils ont occupées. À cela s’ajoutent plus de
20 zones récupérées et régularisées sous la forte pression des indigènes qui
ont perdu plusieurs leaders communautaires dans leur lutte. Mais tous ces
territoires sont très restreints.
Une note technique de la FUNAI publiée en mars 2012 en portugais [pdf] déclare que le
territoire revendiqué par les Indiens à Pyelito Kue et Mbarakay est
occupé depuis les temps ancestraux par les Guarani-Kaiowa. Depuis 1915, quand a
été établie la première Terre Indigène, et surtout depuis les années 70
et 80 les expulsions des Indiens se sont multipliées au profit des
propriétaires fonciers agricoles (principalement pour doper les productions de
canne à sucre ou de soja), en plus du confinement et regroupement des
différents groupes ethniques, ce qui entraîne l’insécurité et le déracinement
culturel et social.
Le site Comitê internacional de solidariedade com o povo Guarani-Kaiowá (en portugais)
La Commission internationale de solidarité avec le peuple Guarani-Kaiowá, (en portugais) se
réfère au poids économique de la production de canne à sucre dans cette région
:
“La canne à sucre qui est maintenant plantée là et récoltée
comme éthanol est déjà mêlée de sang des indigènes Guarani-Kaiowá », a dit le
chef. Le poids de l'industrie agroalimentaire dans la région a pris un tournant
après l’accord de l’ex- président brésilien Lula da Silva avec l'ex-président
américain George Bush sur la production de la culture de biocarburants.
Un article de Larissa Ramina, professeur de droit
international à l’UFPR (Université Fédérale du l’état de Parana) et à
l’UniBrasil (Facultés Integrées du Brésil) explique la tragédie annoncée sur le
site Carta Maior :
La situation du groupe Guarani-Kaiowá, la deuxième
population autochtone du Brésil, est considéré comme la plus grave. Confinés
dans des réserves indigènes comme celle de la ville de Dourados, ils se
trouvent dans une situation de catastrophe humanitaire : au-delà de la malnutrition
des enfants et de l'alcoolisme, les taux d'homicides sont plus élevés que dans
les zones de guerre comme l'Irak.
Une déclaration diplomatique de 2009, révélé par Wikileaks,
montre le méprisdu gouvernement du Mato Grosso do Sul face à la lutte des
Guarani-Kaiowá pour les terres cultivées par les agriculteurs depuis des
décennies.
Le Ministère Public Fédéral, institution fédérale indépendante, destinée
à représenter les intérêts des citoyens et des communautés lors des procédures
pénales (le véritable quatrième pouvoir au Brésil) a déclaré :
Reporter encore la discussion sur l'occupation
traditionnelle du territoire en question reviendrait à perpétuer une injustice
flagrante commise contre les Indiens, lors de trois phases historiques
successives. La première quand on leur a pris leur terres. La deuxième quand
l'Etat a négligé, bâclé ou laissé traîner le processus de révision des limites
territoriales. La troisième lorsque le Juge Fédéral les a empêchés d'invoquer
et d'exercer leur droit ancestral sur leurs terres”, face à l’inactivité du
gouvernement.
Le député d’État du Mato Grosso do Sul, Peter Kemp, leader
du parti politique des Travailleurs (PT), a déclaré à
l'Assemblée législative du Mato Grosso do Sul, le 31 octobre :
Le développement n'est pas seulement l’élevage de bœufs et
la production de maïs et de soja, mais aussi le respect des personnes, le droit
à la citoyenneté. Le développement doit être économique et social, et doit être
le droit de tous.
“Nous,
Guarani-Kaiowá, survivants et qui voulons vraiment survivre, souhaitons par ce
simple message exprimer notre immense remerciement public à toutes et tous
d'avoir ajouté Guarani-Kaiowá à vos noms.
Comme chacun sait, les Guarani et les Kaiowá, seuls, peuvent être exterminés, mais nous avons la certitude qu'avec la solidarité humaine réelle et le soutien de vous tous nous pouvons être sauvés des diverses violences annoncées envers nos vies et surtout éviter notre extinction ethnique.
Comme chacun sait, les Guarani et les Kaiowá, seuls, peuvent être exterminés, mais nous avons la certitude qu'avec la solidarité humaine réelle et le soutien de vous tous nous pouvons être sauvés des diverses violences annoncées envers nos vies et surtout éviter notre extinction ethnique.
Grâce à ce geste d'amour pour nos vies que vous
manifestez, nous ressentons un peu de paix et d'espoir en une vraie justice.
Nous avons compris qu'il existe des citoyennes et des
citoyens mus par un réel amour du prochain, qui ont soif de justice
et qui exigent cette justice. Nous ne savons pas avec quels mots vous remercier
tous sinon en disant JAVY'A PORÃ, que la paix soit dans vos cœurs. Merci beaucoup.”
Source : Global Voices
Photos de Percurso da Cultura
sur Flickr (Licence CC BY-SA 2.0)