Venezuela :
Le chavisme, une révolution sans
révolution ?
Réponse à Marc Saint-Upéry...
Par Lionel Mesnard
Ce nouvel entretien avec Marc de Saint-Upéry est un nouveau
pavé dans la mare du chavisme. « Une révolution sans la révolution »
pose la même appréhension, que j’ai pu avoir lors de mon premier séjour à
Caracas en 2004, puis en 2006 où la prise de distance est devenue plus que
nécessaire. Je peux écrire, que je
partage la grande majorité des propos de Marc Saint-Upéry, pour tout ce qu’il a
pu mettre en relief dans cet article et notes annexes . Il confirme par ailleurs, qu’il existe des chavistes sincères et
pour certains en butte à l’autoritarisme du pouvoir. Quand il faudrait même
parler de criminalisation de l’action syndicale.
Dérive du pouvoir, auquel j’ai été confronté dès la fin
2004, quand il a fallu remettre au pas, une équipe pédagogique dans des
circonstances un peu curieuses et avec des méthodes bureaucratiques tout
bonnement scandaleuses, notamment par le non-paiement des salaires des
instituteurs ou bourses d’aides pourtant prévues à cet effet. (lire Marc Saint-Unpéry sur à l’Encontre)
Ce qui suit vous
donnera une idée ou un témoignage de quelque chose de non seulement vécue mais
aussi un petit bout d’histoire de ce qui aurait pu être un petit bout de
« révolution »,dans la pseudo révolution bolivarienne. Cette histoire
s’est déroulée et s’est articulé en particulier autour de l’école Juan Bastita
Alberdi.
Lire ce texte datant du 25 janvier 2005 et de la désignation
de force d’une nouvelle directrice, cliquez ici !
Cette question salariale ou pécuniaire servit à l’époque de
pression contre le collectif, qui depuis plus d’un an faisait tourner l’unique
établissement scolaire du quartier. L’école avait été proprement été laissé à
l’abandon parce fermé par l’ancien maire Alfredo Pena (maire du district
jusqu’en octobre 2004) ; et où certains prirent au pied de la lettre la
nature révolutionnaire du message du président Chavez.
Les parents et les
enfants de Manicomio (1) investirent l’école et la rénovèrent du sol au
plafond. Des militants, la plupart furent des bénévoles et y compris un nid de
français et d’internationalistes, qui avaient pris souche dans le quartier
autour de cette entreprise audacieuse.
Beaucoup d’habitants du quartier de Manicomio (environ 4.000
âmes) y sont allés de leur contribution où beaucoup trouvèrent des aides ou ce
que l’on dénomma les missions (médicales, scolaires - pour tous âges –
activités culturelles et sportives, et une restauration collective assurant au
moins deux repas aux enfants scolarisés – en maternelle et primaire) qui
manquaient outrageusement à l’un des quartiers les plus miséreux de la capitale
vénézuélienne.
Ce fut en quelque sorte le début de la caporalisation, de la
mise au pas de ceux qui ne disaient pas amen à tout. Et en particulier aux
dérives bureaucratiques dont ils devinrent les victimes.
Un peu par hasard,mais pas tant que cela (2), c’est juste après
mon départ en janvier 2005 de l’école Juan Bautista Alberdi et de Caracas, que
le tour de vis se fit plus sévère en des violences physiques sur un des
responsables de l’école autogérée. Ce sera la fin de cette expérience et plus largement
de ce qui pouvait sortir des nouveaux canons chavistes, comme la fermeture,
quelques semaines après de la seule radio alternative des ondes de la capitale
ou non gouvernemental, la fermeture d’Alternativa se déroula en 2005 à
Caracas, seul RSF Amériques en fit mention.
La centralisation à outrance de
tout ce qui pouvait se réclamer des propos présidentiels et de son entourage
n’a jamais vraiment aidé ceux qui ont cherché une voie alternative, ils ont été
dans le meilleur des cas remerciés ou sans subsides pourtant promis.
Plusieurs français ou internationalistes présents à Caracas
ont été témoins de comment la Mairie d’agglomération de Caracas, et son nouveau
maire de l’époque, Juan Barreto, ont agi sur ce qui avait été une des vitrines
du chavisme : une école autogérée d’un quartier pauvre de la Capitale,
l’école J-B Alberdi. Le tout se finira par des excuses venant du maire sur la
télévision communautaire locale Catia Tv, suite à une gifle qu’il administra à
un membre actif du collectif local. Il en résultera au moment de l’élection des
responsables locaux une défaite du proche de Juan Barreto et la victoire du
harcelé…
Le double discours devint pour moi une évidence, quand par
ailleurs l’ancien maire chaviste du grand Caracas (le district fédéral), Juan
Barreto en 2005 vint défendre un socialisme aux couleurs de Proudhon à Paris.
Quand déjà était en œuvre, ce que dénomma en son temps, Marc de Saint-Upéry, la
boli-bourgeoise ou la nouvelle bourgeoisie bolivarienne, et son corollaire la
corruption. Le tout passant inévitablement par l’édification d’une nomemklatura
aux accents de Cuba et des travers népotiques.
Il est clair qu’il faut en finir avec les complaisances
partisanes, et de faire de la critique un outil citoyen très utile dans cette
mélasse généralisée des gauches. S’il n’y avait qu’une chose à retenir de Marx
et non des marxismes, il était de l’usage de la critique comme outil de lutte
contre le système d’exploitation capitaliste, qu’il soit d’Etat ou Néolibéral.
Pour en dénoncer le cynisme et surtout les mécanismes pervers à l’encontre des
salariés vendant leur force de travail, pire à l’encontre des déclassifiés du
système, les jeunes et les plus précaires de tous âges et de tous pays.
La machine est en panne, bon nombre de repères politiques
ont explosé et ne tiennent plus la route. Cette crise militante et
intellectuelle participe du vide actuel de la sociale démocratie, et de
« la gauche de la gauche », l’expression la plus idiote que l’on ait
pu inventer ces dernières années.
Aucunes des deux jambes de la gauche ne sont en mesure
d’avancer la moindre idée « révolutionnaire », du moins d’agir en
faveur d'une transformation radicale de la société. Ils ne sont pas non plus en
mesure de régler la crise systémique, encore moins ce qui relève d’une large
prise de conscience sur les dégâts à venir de l’Humanité. L’alternative par le
haut, ça ne marche pas, il reste à tout prendre par le bas, par un réveil des
consciences, et de ne pas prendre nos vessies pour des lanternes.
Où est la gauche a-t-on envie de manifester que l’on
soit à Caracas, Quito, Managua, La Havane, et Buenos-Aires, et ici même en
Europe, qu’elle soit révolutionnaire ou pas ? C’est un peu tout le problème.
Doit-on s’asseoir sur les décombres, et de se contenter d’observer les dérives
toujours bureaucratiques ? Pour ceux qui n’arrivent pas à distinguer
l’Universel de la chose, manifestement, soit il non jamais lu Marx, soit ils
n'ont toujours pas intégrés, l’idée d’émancipation que concevait ce dernier à
l’échelle planétaire et pour tous et non pour une caste de nouveaux
privilégiés.
Oui, Marc Saint-Upéry a raison de marquer que tout n’est pas
uniquement « bourgeois » et qu’il existe des fondamentaux à gauche,
en premier le droit, et vouloir l’appliquer au Venezuela demande plus que de la
patience ou « d’attendre Godeau », quant à tous les échelons de la
société, la résignation est presque totale, ou que l’on s’en accommode.
L’important est de ne pas se faire avoir par tous ces
contenus faussement idéologiques, qui se drapent dans un socialisme
démocratique, qui n’a pas lieu, et qui est une insulte à la raison et au sens
critique. Le pouvoir bolivarien n’a pas voulu tenir compte des 'cassandres' qui à
gauche pointaient les déséquilibres, notamment un trop plein centraliste, dans
un pays fondamentalement construit sur des bases fédéralistes.
Où l’armée donne de plus en plus le sentiment d’être la réserve des aspirations politiques du pays. Tout cela pourrait nous renvoyer à De Gaulle dans l’exercice du pouvoir en 1958.
Où l’armée donne de plus en plus le sentiment d’être la réserve des aspirations politiques du pays. Tout cela pourrait nous renvoyer à De Gaulle dans l’exercice du pouvoir en 1958.
Les Vénézuéliens rêvent d’ordre, du moins le bolivarisme
dans sa version chaviste est un leurre nationaliste et bourgeois de plus, mais
silence des camarades qui ont oublié certaines bases historiques, (ne se
limitant pas à la nation), à moins de les confondre avec le coeur du problème,
l’émancipation du prolétariat ne peut être que l’œuvre de ce même prolétariat.
Et difficile dans ce cas de ne pas constater que le chemin est encore long et
que l’oeuvre de Marx n’a de caduque, que la prose de ceux qui ne font que
l’usurpée depuis au moins le début de 20ème siècle.
Le "communisme" n’est pas mort dans son essence, il reste tout
simplement à être réinventer, ou du moins, le penser en d’autres termes sur le pouvoir
et le travail, à moins de vouloir mentir sur les étapes parcourues par le
socialisme petit-bourgeois de Chavez. Certains ont fait le choix d’une
mascarade, qu’il était temps de mettre à jour.
Et qui peut avoir parfois des relents très nauséabonds.
Et qui peut avoir parfois des relents très nauséabonds.
Notes :
(1) En langage populaire en Amérique Latine
« Manicomio » signifie : la maison des fous ou l’asile psychiatrique.
(2) Si vous souhaitez lire des articles sur le Venezuela, je
vous conseille de commencer par le début avec ce texte que je fis après mon
premier séjour. Cliquez ici !
Photos de l’école Alberdi – CARACAS 2004 – de J.M HARRIS