Le cas du journaliste Freddy Muñoz
Par Ernesto Carmona (*) - Traduction et notes de Libres Amériques
L’affaire Fredy Muñoz n’avait pas fait grand bruit depuis
l’année 2007 (articles en relation en bas de page), la condamnation du
journaliste de Telesur pose de sérieux problèmes de droits et de l’exercice
normal de la justice, pour celles et ceux, vivant dans un état de droit. L’on
peut même penser ou écrire que cette affaire a déjà connu, au lendemain de la
publication de la lettre du journaliste condamné, un rebondissement, avec la mort accidentelle sur une route
allant à Barranquilla de l’ancienne Juge Miriam Martínez Palomino, qui avait
instruit à l’origine cette affaire.
Cette histoire à nombreux tiroirs, elle surtout pose le
problème de la corruption au sein de la justice colombienne. Il semble évident
que Fredy Muñoz est innocent et que nous ne pouvons rester sans voix à ce
sujet.
Pour comprendre un peu la complexité de ce dossier, qui n’a
rien d’anodin, comme le précise le journaliste Ernesto Carmona, nous vous
proposons, grâce à lui en découvrir les aspects les plus sombres et tortueux,
notamment les connexions internes de la haute société colombienne avec les
milieux du paramilitarisme d’extrême droite et de la drogue. Où, quand le crime
organisé est partie pleine des institutions du pays ? (Notes de Libres
Amériques)
Quelques heures avant les pourparlers de paix, du
gouvernement de Juan Manuel Santos et des FARC, le système judiciaire colombien
a condamné à 15 ans, le journaliste Fredy Muñoz Altamiranda, arrêté le 19
Novembre 2006, il est accusé d'appartenir à la guérilla, alors qu'il était
correspondant de Telesur en Colombie.
Le «cas Fredy Muñoz » a toutes les apparences d'un
montage « des services d’intelligence », orchestré sous le président
Alvaro Uribe Velez, en complicité avec des juges et des procureurs au service
de la classe privilégiée liée au trafic de drogue.
Dans une lettre ouverte, Fredy Muñoz a dévoilé sa situation
le 17 octobre 2012 et a déclaré :
« Aujourd'hui, ce jugement condamnatoire, qui était
prêt depuis août de cette année, a été publié une semaine avant les résultats
des élections (présidentielles) au Venezuela, et deux jours avant l’annonce
officielle, des négociations de paix avec la rébellion colombienne (des FARC) à
Oslo ».
« Je rejette catégoriquement la condamnation prononcée
par un tribunal colombien contre moi. Je n'ai jamais été et je ne serai pas un
«terroriste», un «expert en explosifs», un «dynamiteur de centrale électrique»
comme, il a été mentionné dans son jugement. Il n’a rien de plus absurde que
cela. Dans toute ma carrière, dont la trace est de notoriété publique, j’ai
seulement fait sauter le mensonge, ce que je fais de mieux : écrire la vérité
», écrit Fredy Muñoz dans une lettre ouverte comme appel à la solidarité.
« Nous devons faire quelque chose, je présume ; je
trouve, que ce n'est pas par hasard, - que lorsque la paix se négocie, ils
condamnent justement des journalistes , et dans le cas de Fredy Muñoz
quand il fut accusé, il travaillait à temps plein pour Telesur » a déclaré la
journaliste Stella Calloni : correspondante argentine à Buenos Aires pour
le quotidien La Jornada, Mexique ; et sous-secrétaire de la Commission
d’enquête sur les attentats commis contre les journalistes – CIAP - de la
Fédération latino-américaine des journalistes - FELAP.
« Les médias alternatifs doivent prendre une part
active dans un meilleur exercice de la solidarité avec ses collègues
sacrifiés. ». « Seule la solidarité arrêtera la persécution du
journalisme en Colombie », a déclaré de son côté, José Alfredo Pineda Dubón, enseignant,
syndicaliste et internationaliste au Salvador.
La fabrication du
cas Muñoz
Fredy Muñoz a rappelé qu'en 2007, il avait été libéré de
prison, où il avait été « accusé de sédition avec de fausses preuves »
tout simplement parce « qu’un juge courageux de cette époque » avait
rejeté de nombreux témoignages « voués à pourrir dans les entrailles du
système judiciaire colombien », et avait retenu le rôle des faux témoins contre
des promesses de réduction de peine.
Même un de ces témoins avait renoncé en décembre 2006.
Yainer Vazques Rodriguez avait déclaré devant le juge et le parquet, qu’il
avait été menacé par les services d’Intelligence de l’armée de Colombie, pour
qu’il fasse des déclarations contre des gens qu’il ne connaissait pas, y
compris Fredy Muñoz, telle qu’a été rapportée, par l'agence d’information
internationale Inter Presse Service (IPS).
Le témoin a dit, qu'il ne connaissait pas le journaliste et
que le pseudo qu’on lui avait attribué - "Jorge Eliécer" -
correspondait à un guérillero qui avait été tué par les paramilitaires des
Autodéfenses Unies de Colombie (AUC), des années après, précise IPS. La
magistrate, Miriam Martinez-Palomino, qui conduisit le procès du journaliste
Fredy Muñoz Altamiranda à Cartaghène des Indes en 2006, a été accusé par Yaner Vazques d'avoir fait
pression et de l’avoir menacé pour qu’il témoigne contre le correspondant de
Telesur.
Ces jours-ci, selon le journal en ligne Rébellion, Telesur a
signalé que « les preuves dont dispose la Justice à l’encontre du journaliste
sont basées sur la proclamation des témoins, qui actuellement se trouvent
détenus au sein du DAS et du 2ème Bataillon d'Infanterie de la
Marine (de la côte atlantique), négociant une réduction de peine en échange
d'informations incriminant des collaborateurs présumés des FARC, en tant que
témoins dans cette affaire, ils sont en train de changer leur version ».
Une justice sur mesure, du pouvoir narco-oligarchique
Freddy Muñoz a déclaré que l’(ex) magistrate Miriam Martínez
Palomino « est un sombre personnage de la « justice » colombienne, célèbre pour avoir classer
sans suite les dossiers des paysans déplacés, victimes des paramilitaires à Las
Pavas, dans le sud (du département) de Bolivar (1)».
La même magistrate « a été condamné pour ses décisions prises
contre le patrimoine public dans l'affaire de détournement de Foncolpuertos, et
la responsable d’une faute intentionnelle, avec la sortie de prison d’Alfonso
Hilsaca » - et « ce conjointement, avec le procureur de Demóstenes, Avila
Camargo, et l’ancien directeur du Parquet à Carthagène, Jaime Cuesta Ripoll,
ils faisaient partie de l'équipe des procureurs narco-para (politique ou
militaire), - manœuvrés par l’ancien chef paramilitaire de Montes de Maria,
Rodrigo Mercado Pelufo, et
l'ancien procureur général Luis Camilo Osorio, sous la présidence d'Álvaro
Uribe Vélez », a précisé Freddy Muñoz.
Pour le jeune journaliste de Telesur , « cette
condamnation montre que mes plaintes sont toujours valables : Le ministère
public, et une bonne partie du système judiciaire colombien travaille pour les
trafiquants de drogue et les paramilitaires, pour poursuivre et de réduire la
résistance sociale en Colombie. La sentence contre moi est une empreinte
d’Uribe et de la présence du paramilitarisme dans notre environnement
juridique. »
« Je condamne cette décision judiciaire - pour être une
persécution de mon désaccord public avec un système nous ayant toujours
gouverné, - pour mes dénonciations frontales et en nom propre, nos
détracteurs ; - et parce que c'est un moyen d'intimider ceux qui sans
cagoule font face et se font la voix d’un processus politique, que recherche
notre justice sociale. »
« Je vais continuer à dynamiter le mensonge, en
bombardant avec mon travail de journaliste les structures d'un système qui a
mobilisé le monde contre lui-même, et amplifier les voix de ceux qui veulent
une Colombie et un monde meilleur », a conclu la lettre, datée du 17 octobre.
Notes :
(*) Article d’Ernesto Carmona, journaliste et écrivain
chilien
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Source : Kaosenlared (en castillan)