mardi 13 novembre 2012

Haïti, l'ouragan Sandy et les victimes oubliées des Caraïbes

Sandy : L’injustice médiatique

Qu’est-ce qui fait pencher la balance de la couverture médiatique d’un côté, plutôt que de l’autre ?

Par Wooldy Edson Louidor

La couverture médiatique du passage de l’ouragan Sandy, la semaine dernière, dans les Caraïbes et la côte nord-est des États-Unis d’Amérique, a laissé un goût amer, ponctué par le mécontentement, l’indignation et une mise question du rôle des médias, selon les informations rassemblées par l’agence en ligne AlterPresse .Des usagères et usagers des réseaux sociaux en Amérique Latine, se sont faits l’écho, sur la toile de l’Internet, notamment à travers leurs blogs, leurs comptes Facebook et Twitter, de ce sentiment de courroux face à la couverture, considérée par eux comme « non équilibrée », que les principaux médias de masse de la région ont donnée au passage de l’ouragan Sandy dans les Caraïbes et aux États-Unis d’Amérique.

Une couverture médiatique tronquée

Les principaux médias latino-américains présentaient, à profusion, des images, des articles, des photos, des reportages et des comptes-rendus de leurs correspondants sur place à New York, sur le passage de l’ouragan Sandy dans cette ville étasunienne, pouvait-on constater.
Pourtant, la couverture médiatique de l’impact du même phénomène naturel dans les Caraïbes - où les dégâts et les victimes mortelles enregistrés n’étaient pas moins importants - était très maigre.

Cette disproportion, marquée dans la couverture médiatique entre les deux régions du continent américain, a été vivement critiquée par une large frange de l’audience latino-américaine, dont des usagères et usagers des réseaux sociaux.

L’injustice médiatique, reflet de l’injustice du monde

Dans son article Sandy en Nueva York y en Haïtí, publié sur son blog [1], Fran Sevilla va jusqu’à parler de « la dualité, la disparité, la disproportion du monde que nous habitons et de la dimension médiatique de ses tragédies ».

Le correspondant de Radio Nacional pour l’Amérique Latine met en exemple « le fait que, sur Internet, plus de 300,000 photos ont été postées sur le passage de l’ouragan Sandy à New York, alors que, de ses traces de mort et de destruction laissées en Haïti, on n’a vu que peu de photos publiées dans les médias ».

Injustice médiatique qui, selon lui, n’est que le reflet de l’injustice de ce monde !

Les victimes ont la même importance

Une bloggeuse vénézuélienne de Caracas, Minerva Vitti, a la même réaction.

Dans un élan d’indignation, elle écrit sur son blog : « Mon point, c’est que toutes les victimes ont la même importance. Bien sûr que la situation est grave aux États-Unis. Cependant, quand Sandy a impacté Haïti, Cuba, la Jamaïque, les Bahamas, la République Dominicaine et Porto Rico, cela a-t-il eu de l’importance ? Dites-moi : qu’est-ce que vous avez vu à la télé ou dans la presse ? » [2]

« Mesdames, Messieurs, nous sommes des serviteurs publics. Notre engagement, c’est d’abord envers la société. Je n’arriverai jamais à comprendre pourquoi les médias sont si injustes, discriminatoires », conclut-elle, en lançant un message d’éthique professionnelle à ses collègues journalistes.

« La douleur n’a pas de drapeaux »

L’agence en ligne mexicaine SDP Noticias a également publié un article Cobertura mediática del Huracán Sandy en el Caribe es criticada por usuarios de redes sociales [3], où elle met en évidence l’indignation de quelques internautes à propos du même fait.

Le média électronique introduit l’article par une photo, qui montre deux femmes presque submergées, essayant de sortir de leurs maisons inondées dans le quartier La Barquita, situé à Santo Domingo.

La photo voulait attirer l’attention sur la tragédie que vivaient les Caraïbes, au moment où les principaux médias latino-américains se centraient sur New York.

SDP Noticias soulignait combien l’image reflétait le sentiment de quelques internautes, selon lequel « la douleur n’a pas de drapeaux ».

Qu’est-ce qui fait pencher la balance ?

La décision de ces grands médias, de choisir quels événements couvrir, ou lesquels donner plus de couverture et suivant quelles orientations, semble aller au-delà de la dimension strictement informative.

Derrière cette décision, se jouent d’autres questions d’ordre politique, économique, social, voire une certaine conception ou reflet d’un certain ordre mondial, selon l’impression dégagée.

Qu’est-ce qui fait pencher la balance de la couverture médiatique d’un côté, plutôt que de l’autre ?

La différence entre pays riches et pays pauvres ? La différence entre centres de pouvoir et périphéries ?

Jusqu’à quand le droit universel à l’information, proclamé par la déclaration universelle des droits humains de 1948, et la démocratisation de la communication se concrétiseront-ils dans le monde ?


Notes :



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