Un prêtre haïtien dénonce
un “trafic
de personnes”
à grande échelle
Par Jean-Claude Gerez
L’immigration illégale d’Haïtiens au Brésil peut se définir
comme un trafic de personnes à grande échelle , affirme le Père Onac Axenat. Ce
prêtre haïtien vit depuis 2010 dans l’Etat de l’Acre, dans l’Amazonie
brésilienne, près de la frontière bolivienne. Il voit arriver chaque jour dans
sa région de nouveaux compatriotes sans papiers. Depuis le tremblement de terre
de janvier 2010 qui a frappé Haïti, plusieurs milliers d’Haïtiens sont entrés
au Brésil illégalement par la frontière amazonienne.
Le missionnaire catholique de la Société des Prêtres de Saint-Jacques (Sacerdotes de São Tiago – SSST) indique que pour émigrer des compatriotes dépensent jusqu’à 4’000 dollars (USD) par personne.
Ils tombent, à leur insu, dans un réseau de trafiquants composé de nombreux coyotes (passeurs) actifs en Haïti. “Parmi les migrants que je rencontre, assure-t-il, certains ont tout vendu au pays, car ils ont cru aux promesses de percevoir des salaires de 1’000 à 2’000 USD lorsqu’ils seraient au Brésil”.
Arrivé dans le pays peu de temps après le tremblement de
terre qui a dévasté, en janvier 2010, la capitale haïtienne Port-au-Prince, le
prêtre s’est depuis attelé a aider psychologiquement les immigrants entrant
illégalement dans le pays. En tant que compatriote et comme religieux, les réfugiés
haïtiens lui racontent ainsi plus facilement ce qu’ils ont dû endurer pendant
leur voyage et ce à quoi ils sont confrontés depuis qu’ils sont arrivés au
Brésil.
Des migrants apeurés par le climat de violence
La dernière fois qu’il a été à Brasileia,
une cité frontalière avec la Bolivie, au sud de l’Etat de l’Acre, l’unique
chose que le Père Onac a pu entendre de la bouche des migrants haïtiens est
qu’ils avaient peur. “Père, je peux rien dire pour le moment. Juste que je
souffre”, a même soufflé l’un d’entre eux au prêtre.
Depuis
quelques mois le climat a changé, en particulier à cause de la violence
omniprésente engendrée par le narcotrafic. Un climat auxquels les migrants sont
souvent confrontés. Dès lors, c’est le mutisme qui caractérise de plus en plus
les entretiens du prêtre et des migrants clandestins. “Il n’est pas possible de
dire quoi que ce soit de négatif sur eux (les narcotrafiquants), car on ne sait
jamais ce qu’il peut arriver”.
Des migrants
qualifiés qui vont manquer en Haïti
Pour gagner la confiance des migrants qui sont arrivés
récemment, le Père Onac Axenat (ci-contre) doit donc faire preuve de psychologie et de
patience. “Je leur rappelle que, moi aussi, je suis Haïtien, ce qui finit par
ouvrir un peu le dialogue”. Une situation qui émeut considérablement le
religieux, d’autant que le Brésil accueille très bien ses compatriotes, en
particulier les habitants de l’Etat de l’Acre. Et d’espérer “que le trafic de
personnes va prendre fin”.
D’autant
que les migrants auraient beaucoup à faire au pays. “Nombre d’entre eux ont
suivi une scolarité jusqu’au second degré et certains possèdent même une
qualification professionnelle, explique le Père Onac Axenat. Et, après la
dévastation causée par le tremblement de terre, Haïti a justement besoin de
cette force de travail qualifiée”. Mais le religieux rappelle que tout est
concentré à Port-au-Prince, la capitale, où la vie est paralysée. Pensant aux
nécessités de développement de son pays, il rappelle que les 4’000 USD que
réclament les “coyotes” pourraient permettre d’ouvrir une petite entreprise en
Haïti, notamment un commerce.
Des migrants illégaux qui souffrent de la faim
La situation
des quelques 250 Haïtiens accueillis de manière très précaire dans la maison
communale de Brasileia s’est considérablement aggravée depuis le début du mois,
lorsque le gouvernement de l’Etat de l’Acre a décidé d’interrompre le paiement
du loyer et des charges de l’immeuble. Il ne fournit plus l’eau et
l’alimentation. Depuis cette date, le local est privé d’électricité. La
nourriture y est largement insuffisante, d’après les militants des associations
de défense des droits de l’Homme. Ils tentent de parer au plus urgent, en
collaboration avec diverses communautés religieuses, notamment l’Eglise catholique.
D’après diverses sources, depuis le tremblement de terre qui a frappé Haïti en
janvier 2010, plus de 5’000 Haïtiens seraient entrés au Brésil par la frontière
amazonienne. L’immense majorité a franchi la frontière en toute illégalité. Une
fois qu’ils sont à Brasileia, les migrants haïtiens attendent d’obtenir un visa
permanent, en espérant un jour être embauchés. Généralement comme manœuvres sur
les chantiers de travaux publics de la région ou du sud du Brésil.
Sources : article de Jean-Claude Gerez,
correspondant d’Apic au Brésil et photos