mardi 16 avril 2013

Canada : les Amérindiens défenseurs des écosystèmes ?

Au Canada :  
Les Autochtones, 
gardiens du territoire ?



Par ICRA International 

Les Premières nations du Canada ont régulièrement fait les manchettes pour s’être massivement levées contre l’exploitation, à leurs yeux abusive, des ressources naturelles : en Alberta et dans les Territoires du Nord-Ouest, contre le pipeline Keystone; en Colombie-Britannique, contre la mine Prosperity et le pipeline Northern Gateway; au Québec, pour un moratoire sur l’exploration et l’exploitation pétrolière et gazière dans le golfe du Saint-Laurent.

Les Premières nations albertaines de Mikisew et Frog Lake ont déposé une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale pour obtenir la révision des dispositions environnementales de projets de loi fédéraux. Ils agissent ainsi dans une lignée d’actions dont les Autochtones sont de plus en plus fiers, comme nous le voyons avec Idle No More : ils se posent en défenseurs du territoire.

Danielle Giroux, de la Coalition St-Laurent, a indiqué que l’appui démontré par les Autochtones était un élément clé dans la démarche pour ce moratoire. Le professeur George Hoberg, de l’Université de la Colombie-Britannique, a affirmé que l’opposition d’au moins 50 Premières nations au pipeline Northern Gateway représentait le plus gros obstacle à ce projet.
 
Partout au Canada, déjà bien avant le mouvement Idle No More, les Autochtones se lèvent, forment des coalitions (comme dans le cadre de la Canadian Indigenous Tar Sands Campaign) et voient leur appui sollicité par les groupes environnementaux.
 
Au Québec et au Canada, quelques lois protègent l’environnement (souvent pour prévenir ou punir les contaminations plutôt que pour imposer un développement durable) en prévoyant, par exemple, des amendes pour les contrevenants. Ces lois sont plutôt complexes et laissent souvent une grande discrétion aux gouvernements ou aux autorités chargées de les appliquer.

Contrairement à la situation prévalant dans de nombreux pays, le droit à un environnement sain n’est pas spécifiquement protégé par la Constitution : pour protéger la nature, il faut faire preuve d’imagination et invoquer notamment les chartes des droits et libertés (droit à la vie, à la sécurité) ou le droit privé.
 
Les droits ancestraux et issus de traités des Autochtones sont quant à eux protégés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Les gouvernements ont un devoir constitutionnel d’agir avec eux de façon honorable et de les consulter de façon plus ou moins étendue lorsque leurs droits sont en cause. La Couronne a, au surplus, une obligation de fiduciaire face aux Autochtones.
 
Une implication différente
 

Les politiques environnementales sont souvent traitées comme une dépense; pour les Autochtones, l’environnement ne peut pas faire l’objet d’une “politique”. Comme l’indique l’auteur John Saul dans son livre Mon pays métis, “un pays n’est pas un programme de gestion, c’est un territoire avec des gens qui y vivent”. Saul ajoute que la vision autochtone de l’environnement n’a rien de “romantique” : ils l’habitent et conçoivent que c’est vraiment par elle que survivent leurs cultures et leurs peuples.
 
Malheureusement, ils supportent une part disproportionnée des dommages environnementaux liés à une mauvaise exploitation des ressources naturelles, à la surexploitation des forêts, aux changements climatiques.
 
Avec leurs revendications et leurs initiatives devant les tribunaux, les Autochtones se battent et négocient pour se réapproprier un certain pouvoir dans la gestion et la mise en valeur du territoire où ils vivent. Ils font preuve de détermination dans leur quête pour davantage d’implication.

Le droit autochtone est en constante mouvance : certains argumentent aujourd’hui que l’article 35 leur confère un “droit de conservation” de l’environnement, ou encore qu’une atteinte aux droits protégés demande d’abord le consentement préalable et informé de la Première nation intéressée, ainsi que des accommodements sous forme, par exemple, de partenariats.
 
D’aucuns s’inquiètent parfois que de si petits groupes puissent parvenir à gérer des territoires aussi vastes, et que des ressources financières importantes leur soient versées pour ce faire. Pourtant, ces peuples y vivent, pensent durabilité et tiennent depuis des centaines d’années des discours d’ouverture et de partenariat, en contrepartie d’une éventuelle reconnaissance de leur rôle fondamental dans l’existence du Canada et comme gardiens du territoire.

Dans son livre, John Saul soulève la question suivante : préfère-t-on confier simplement ce territoire et cet argent au petit conseil d’administration d’une grande entreprise?
 
Dans le dossier du pipeline de Northern Gatheway, les Premières nations ont refusé une offre d’Enbridge pour une participation de 10 % au projet. Elles ne s’opposent pas à l’exploitation, mais ont à cœur leur milieu et veulent assumer la responsabilité de sa préservation et de sa mise en valeur.

À nous de leur tendre la main.

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