lundi 29 avril 2013

Guantanamo, à quand la fin des détentions illimitées ?

A l’heure où la grève de la faim s’amplifie à Guantánamo, il convient de mettre un terme à la détention illimitée 


Par Amnesty International France

Les autorités américaines doivent de toute urgence en finir avec la détention illimitée à Guantánamo Bay après qu’il ait été confirmé que plus de la moitié des détenus observent actuellement une grève de la faim. Le 21 avril 2013, les autorités militaires ont en effet concédé que 84 des 166 personnes détenues à la base navale américaine de Guantánamo Bay, à Cuba, faisaient une grève de la faim. Des détenus ont entamé cette action de protestation début février en réaction à ce qu’ils estiment être des fouilles abusives dans leurs cellules et une détérioration de leurs conditions de vie.

Les autorités militaires ont rejeté ces allégations, mais admis que le désespoir gagnait les détenus parce que ceux-ci ont l’impression que le gouvernement américain a abandonné ses efforts en faveur de la fermeture du centre de détention.

La situation actuelle à Guantánamo rappelle une nouvelle fois le manquement honteux des États-Unis à leur obligation consistant à régler les cas de ces détenus.Il ne serait pas surprenant que ces détenus pensent que le gouvernement américain les a abandonnés à leur sort. Il n’est pas non plus surprenant que le fait que le centre de Guantánamo ne soit toujours pas fermé cause d’énormes souffrances à ces personnes et à leur famille. Rob Freer, spécialiste des États-Unis à Amnesty International


Selon les informations recueillies, les autorités militaires ont déclaré que 16 détenus grévistes de la faim sont « nourris par tube » et que cinq ont été hospitalisés. Si Amnesty International n’est pas en mesure de connaître le détail de ces cas, le fait de nourrir de force des détenus observant une grève de la faim en signe de protestation soulève des questions relatives à l’éthique médicale, à la notion de consentement éclairé, à l’autonomie des détenus, au principe de confidentialité et au traitement réservé aux détenus.

L’avocat du Yéménite Samir Naji al Hasan Moqbel, qui a entamé une grève de la faim en février, a déclaré à un journaliste du New York Times que son client lui avait dit : « Je n’oublierai jamais la première fois qu’ils m’ont enfoncé la sonde d’alimentation dans le nez. Il est impossible de décrire à quel point c’est douloureux d’être gavé de cette manière ».

Tout processus d’alimentation artificiel et obligatoire est assimilable à un traitement cruel, inhumain ou dégradant portant atteinte au droit international, s’il est intentionnellement et sciemment effectué d’une manière occasionnant des douleurs ou souffrances inutiles. James Welsh, spécialiste des questions relatives à la santé et la détention au sein d’Amnesty International.

La situation actuelle renforce le besoin pour les détenus de bénéficier de manière continue et régulière d’examens et de soins médicaux indépendants, et la nécessité pour l’ensemble du personnel de santé de respecter l’éthique médicale.

Le 22 mars, AmnestyInternational a écrit à Charles Hagel, le secrétaire américain à la Défense, pour lui faire part de ses préoccupations quant à la santé et au bien-être des détenus, et pour demander au gouvernement américain de travailler de toute urgence avec le Congrès afin de redonner une priorité élevée à la fermeture de cet établissement et au règlement des cas de détenus.

L’organisation n’a pas encore reçu de réponse.

Il est grand temps que les trois pouvoirs de l’État respectent les droits humains et se saisissent en urgence de la situation à Guantánamo. Il faut en finir avec les placements en détention pour une durée indéterminée. Les détenus que le gouvernement n’a aucune intention d’inculper d'infractions prévues par la loi doivent être libérés sans plus de délais. 

Complément d’information : Guantanamo en chiffres

779
personnes ont été incarcérées à Guantánamo depuis 2002.

166 hommes sont toujours retenus dans ce centre de détention américain.

84 observent actuellement une grève de la faim.

Sept détenus ont été déclarés coupables par des commissions militaires, cinq d’entre eux sur la base d’accords passés avant le procès, aux termes desquels ils ont plaidé coupable.

Quatre ont été renvoyés dans leur pays.

Six détenus sont sous le coup de condamnations à mort prononcées à l’issue de procès iniques qui se sont déroulés devant des commissions militaires.

Neuf détenus sont morts à Guantánamo sous la responsabilité des États-Unis.

Quelque
600 détenus ont été transférés de Guantánamo vers d’autres pays depuis 2002.

Le gouvernement du président américain Barack Obama a déclaré en 2010 que
48 hommes continueront à être détenus pour une durée indéterminée au lieu d’être libérés ou jugés.


Source : Amnesty International France