dimanche 7 avril 2013

Colombie, menaces, assassinats, et turbulences politiques

Le processus de paix 
 ne sera pas un long fleuve tranquille  en Colombie !


Par Lionel Mesnard

Des personnes dans leur intégrité physique sont sérieusement menacées, comme Ivan Cepeda, élu de la gauche alternative (PDA) à la Chambre des Représentants et 3 membres de la Commission Interéclésiale de Justice et Paix, dont le père Alberto Franco, récemment mitraillé. L’observatoire APDI a pour sa part dénoncé les meurtres de 4 amérindiens ces 15 derniers jours sauvagement assassinés en Colombie. Le 9 avril 2013 aura lieu une grande marche à Bogota, une première, ou tous ceux qui sont en faveur de la paix, et une concorde civile défileront. Sinon les relations se tendent entre le président Colombien Juan Manuel Santos et son prédécesseur Alvaro Uribe.

Quelques brèves sur un pays qui ne demande qu’à sortir de l’oubli et aller vers la paix

A un moment ou les négociations ont commencé à La Havane à porter de timides avancées, l’ex président Alvaro Uribe a sorti l’artillerie lourde et cherche à fragiliser le processus, tout en surfant sur la vague de scepticisme au sein de la société en Colombie, quant à l’aboutissement des négociations avec les FARC. Ce qui a provoqué la colère légitime du président Santos le dénonçant comme « un ennemi de la paix », qui fut pourtant son dauphin en 2010. Mais chose surprenante dans ce pays qui n’a pas su trouver les raisons d’un dialogue de paix civile et sociale depuis toujours ou depuis Simon Bolivar, il semblerait qu’une petite fenêtre d’espoir s’ouvre, même s’il faut rester lucide et patient, les menaces, les assassinats et les disparitions continuent : juristes, syndicalistes, amérindiens et défenseurs des droits de l’Homme restent la cible privilégiée des groupes paramilitaires.

Quand ce n’est pas l’armée nationale ou les FARC qui continuent certaines basses besognes. Mais oui et il faut écrire, que Juan Manuel est devenu plus conciliant et conscient, que ce pays doit se transformer de fond en comble, et il faudra beaucoup de temps. Les élections qui interviendront le 14 avril 2013 au Venezuela et la probable élection de Nicolas Maduro ne pourront que renforcer le processus de paix. Le Venezuela bolivarien, particulièrement Hugo Chavez a joué un rôle important depuis la grosse brouille avec Uribe (ayant entraîné des tensions militaires aux frontières, l’arrêt du commerce transfrontalier et une crise économique) et la réconciliation intervenue entre les deux pays depuis que Juan Manuel Santos est devenu président. Les échanges sont devenus sereins et constructifs. On peut même affirmer que Santos a tenu compte du poids de la gauche bolivarienne dans l’espace andin.

La grande Marche de Bogota le 9 avril 2013 : un début d’union nationale ?

Pour autant Santos n’est pas devenu un bolivarien pur jus mais cela tranche nettement quand à ce que fut l’ère d’Uribe de 2002 à 2010, le ton a diamétralement changé et Juan Manuel Santos est capable de faire des compromis sociaux et même économiques, sans chercher à diviser ou atomiser la société colombienne, comme le fit Alvaro Uribe en son temps. Il n’y a rien d’étonnant de voir un ancien « faucon » tenter de faire la paix, même s’il est pur produit de l’oligarchie de cette nation, il y a en lui une forte volonté de doter son pays d’une nouvelle destinée et de laisser une marque dans l’histoire de la Colombie. S’il continuait dans cette voie, il pourrait être avec d’autres colombiens, comme Piedad Cordoba un futur prix Nobel de la paix. Mais il reste du chemin à faire.

La marche qui se tiendra le 9 avril à Bogota sera l’occasion de voir tous les partisans de la paix dans la rue, une chance unique de sceller  une république en pleine refondation et ouverte au dialogue et à l’expression de tous. Ce qui peut sembler bizarre, c’est que finalement tous ceux qui manifesteront dans deux jours et peu importe le camp ou les opinions, il en sortira une occasion de voir avant la fin de l’année 2013 l’arrêt des hostilités et le dépôt des armes des FARC et qui sait de L’ELN, mais ce n’est qu’une étape et il faudra de chaque part des garanties solides.


Paramilitarisme et menaces contre des membres la société civile colombienne

Il restera par ailleurs la question du paramilitarisme et du trafic de drogue, qui sont les principaux facteurs de troubles dans toute la Colombie et depuis des lustres. Et c’est le prochain défi de ce pays, cette république a besoin de se souder pour une fois. Il n’y a rien d’étonnant à ce que Piedad Cordoba, représentante de l’organisation  « Marcha Patrioca », souhaite un prolongement de deux ans du mandat de l’actuel président, pour assurer la transition. Si ce pays avance sur des charbons ardents, certaines donnes ont changé, et il faut souhaiter que le psycho-dirigisme d’Alvaro Uribe ne vienne pas contrarier les quelques avancées.

Chaque camp (gouvernement et guérilla) doit tenir compte des échecs passés, et surtout ne pas oublier que dans ce pays la voix de la société civile et des campagnes en particulier. Un lourd défi quand par ailleurs et de nouveau des menaces de mort touche des personnalités civiles et politiques. Comme il a été notifié sur ce blog, il y a peu l’hécatombe continue et elle fait appel à une mobilisation allant au delà de la Colombie et du contient américain.

L’organisation mondiale contre la Torture a lancé une alerte pour que soit mieux assurer la protection d’Ivan Cepeda. Ancien porte-parole du Movice (Mouvement des victimes du conflit) et fils d’un ancien sénateur communiste assassiné dans l’exercice de son mandat dans les années 1990. Ivan Cepeda incarne pour beaucoup la société civile à la chambre des représentant depuis 2010. Aussi 3 membres de l’ONG colombienne Commission Justice et Paix sont de nouveau sous le coup des menaces, la troisième fois en moins de 6 mois, dont le mitraillage du 13 février du véhicule du père Alberto Franco (lire les articles en relation en bas de page).

Homicides vonlontaires contre 4 amérindiens de Colombie, dénoncé par l'Observatoire APDI

L’Observatoire pour l'autonomie et les droits des peuples autochtones en Colombie - ADPI -basé à Barcelone, a lui exprimé publiquement sa profonde « préoccupation et son indignation  en raison des actes de violence menaçant à nouveau la vie, l'intégrité physique et culturelle et l'autonomie des peuples amérindiens de Colombie », à ils ont exprimé « un appui sincère et sa solidarité dans ces moments difficile »s.

L'Observatoire ADPI a condamné « des événements graves, menaçant une fois de plus les peuples autochtones à être victimes de violations de droits de l'homme et partagés de façon systématique par les acteurs armés légaux et illégaux. » Ils se joignent « aux appels exigeant la cessation immédiate des attaques contre les peuples autochtones. » Et ils  invitent, l'Etat espagnol et la communauté internationale à faire « surveiller cette situation ». En moins de deux semaines, ils ont été informés de l’assassinat « de quatre frères amérindiens dans les départements du Cauca, Valle del Cauca et Nariño ».

Les informations diffusées par les organisations autochtones ont dénoncé :

L’assassinat de deux amérindiens Awa : Le vendredi 22 Mars 2013, les compagnons Maria Adalgisa Canticus et Julio Cortes (45 ans) ont disparu dans des circonstances mystérieuses. Le 26 mars, un groupe de la Garde des amérindiens Awa a trouvé les corps, Julio Cortes a été retrouvé avec une blessure par balle, tandis que Maria Adalgisa Canticus a reçu un coup mortel par couteau à la hauteur du cou. Les corps ont été retrouvés aux abords de la réserve Watsalpí et PipaltaPalvíYaguapí à proximité du village de Cruces en direction de Barbacaos, dans le département de Nariño au sud (est) de la Colombie, selon le rapport de la UNIPA ».

De nouveau, le 22 mars dans le département de la Valle Del Cauca, et selon les autorités locales et des populations amérindiennes Embera Chami, Daniel Niaza Gonzalez, âgé de 32 ans, a été abattu par deux hommes masqués qui conduisaient une moto, il a reçu quatre balles dans la tête et le corps. Un autre amérindien a été tués à Caldono : le 30 mars, des membres de l'Armée nationale aurait causé la mort d'Alvaro Chocue Ramos, un représentant autochtone âgé de 50 ans a été abattu à coup de fusil dans la boîte crânienne. Cette situation a été dénoncée par les autorités locales et nationales amérindiennes, et s’est déroulée dans le département de Nariño. (source en espagnol, cliquez ici !)


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  1. Quel avenir pour les pourparlers de paix, cliquez ici !
  2. Défenseurs des droits de l'Homme en danger, cliquez ici !
  3. Des acteurs des droits de l'Homme menacés par des paramilitaires, cliquez ici !
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