Par Alterpresse (Haïti)
« Il y avait eu un dérèglement dans l’économie haïtienne
avec l’abaissement des droits de douanes en 1986 (1986 -1987) », rappelle
Dominique Delpuech qui répondait à des questions de l’agence en ligne
AlterPresse. L’actuel chargé d’affaires de la République française en Haïti,
Dominique Delpuech, affirme reconnaître l’impact (négatif) des décisions
néolibérales, souvent imposées par la communauté internationale, sur la crise structurelle
chronique de l’agriculture haïtienne.
Essentiellement, la réduction des droits de douane après le
départ (le 7 février 1986) du dictateur Jean-Claude Duvalier (dit Baby Doc),
est le commencement du déséquilibre de l’économie haïtienne, mais surtout de
l’agriculture du pays, retenue et connue pour la principale source de
production nationale, souligne le diplomate français, au cours d’une conférence
de presse, ce lundi 15 avril 2013, au local de l’ambassade (centre de la
capitale).
L’agriculture nationale déstabilisée par l’abaissement
des tarifs douaniers depuis 1986
Il existe une « corrélation évidente » entre l’abaissement
des droits de douanes et la « racine du mal » dans le secteur agricole haïtien,
avance le diplomate français. L’abaissement des droits de douanes fait partie
des crédos du néolibéralisme, au nom de de la libéralisation des échanges
commerciaux.
Cette décision a été prise par le conseil national de
gouvernement (Cng), alors présidé par le lieutenant-général Henri Namphy, qui a
succédé au dictateur Jean-Claude Duvalier ayant gagné l’exil, en France, sous
la pression de la communauté internationale, notamment du département d’État
étasunien.
L’adoption de ces mesures « néolibérales » a permis à bien
de produits agricoles étrangers d’envahir le marché haïtien, « des intrants de
produits qu’on trouvait (déjà), à l’intérieur (du pays) ».Les conséquences vont
se traduire par une déstabilisation et une décapitalisation des exploitants
agricoles.
« Cela a contribué très fortement à déstabiliser l’économie
rurale, qui a mené ensuite le paysan (…) à déboiser, à couper les arbres (…) »
pour « répondre aux besoins de gens qui ne sont pas virtuels », comme des
questions de protection de l’environnement, sa femme et ses enfants.
« Quand il y a une économie assez équilibrée et que l’on
voit - avec des abaissements des droits de douanes – rentrer, sur le marché
local, des produits que vous trouvez à présent et qui pouvaient être écoulés
par le producteur national, dans tous les pays du monde, cela crée des
distorsions », explique et déplore le fonctionnaire français.
« Si c’est ce que vous me faites dire, je n’ai aucun
scrupule à le dire », admet Delpuech, en répondant aux questions d’AlterPresse.
Entre les années 1994 et 1995, sous la présidence de William
Jefferson (Bill) Clinton, le département d’État a également contribué à
renforcer la dépendance d’Haïti des produits agricoles étrangers, en demandant
au président Jean-Bertrand Aristide (alors en exil aux Etats-Unis d’Amérique)
d’accepter d’abaisser les droits de douane sur d’autres produits cultivés en
Haïti, notamment le riz haïtien, en faveur de l’importation du riz américain,
contre son retour au pays.
Le 10 mars 2010, environ 2 mois après le tremblement de
terre dévastateur du 12 janvier (2010), William Jefferson Clinton a reconnu et
a regretté, par-devant le congrès américain, d’avoir contribué à détruire
l’agriculture haïtienne. « Cela a été sans doute bon pour certains de mes
planteurs à Arkansas. Mais, cela n’a pas marché. C’était une erreur », avait-il
avoué pour la circonstance.
« Je dois vivre, chaque jour, avec les conséquences de la
perte de la capacité d’Haïti de produire du riz pour nourrir ces gens, à cause
de ce que j’ai fait ; et personne d’autre », avait ajouté Clinton.
Depuis particulièrement l’année 2010, ce sont des tonnes de
semences hybrides, importées et non reproductibles, que des transnationales
américaines offrent aux paysans haïtiens, à travers des projets dits de relance
de la production agricole. Nombreux sont celles et ceux qui continuent de se
poser des questions sur l’importance, voire l’efficacité de l’aide agricole au
pays.
De 2005 à nos jours, la France a déjà engagé 47 millions
d’euros (US $ 1.00 = 44.00 gourdes ; 1 euro = 60.00 gourdes aujourd’hui) dans
le secteur agricole en Haïti. L’objectif, « ce n’est pas de régler les problèmes
de l’agriculture haïtienne (…) », révèle Delpuech.
La démarche reste surtout un essai « de faire de la
pédagogie avec nos partenaires bilatéraux, institutionnels et par rapport à nos
partenaires haïtiens qui sont en dialogue avec nous ». La seule ambition reste
« un apport décent, honnête, (tout) en essayant d’être innovant », insiste
l’actuel chargé d’affaires de la République française en Haïti.
« De la nécessité de réordonner l’écosystème économique
haïtien »
Il « est urgent, effectivement, de remettre de l’ordre sur
l’aspect global de l’écosystème économique haïtien », estime le diplomate
français, en guise de solution. Un travail, qui devrait commencer par une
réforme « fiscale » et « le relèvement des droits de douanes ».
Mais, cela demande « de la volonté et (de) l’intelligence »,
de la part des dirigeants, de la part des importateurs et des paysans
planteurs, d’après Delpuech. Le haut fonctionnaire français préconise une
réinvention « du modèle économique dans les campagnes » en axant les actions
sur « la production et la commercialisation ».
Source : Aterpresse