mardi 16 avril 2013

Chili, fortes violences policières contre les manifestants

Répression brutale au Chili : 
témoignage à vif
 d’une enseignante canadienne

Par Isabel Orellana (*) – Notes traduction de Libres Amériques

Le 11 avril 2013, entre 200.000 et 500.000 personnes ont manifesté pacifiquement dans les rues de Santiago au Chili pour revendiquer de nouveau une réforme de fond du système d’éducation. Mais sitôt commencée, la manifestation a été interrompue par les forces policières. Les médias chiliens ainsi que divers témoignages ont fait part d’abus des force de l’ordre, s’étant traduit par une dizaine de blessés. Nous vous invitons à lire le témoignage à vif d’Isabel Orellana : « Mon compagnon, ENRIQUE EICHIN ZAMBRANO, architecte, âgé de 58 ans, a été touché par une balle de la police à l’oeil droit. »
 
"Comme des milliers, nous avons été mon compagnon, ma fille et moi à la marche organisée par le Confech à Santiago (Confédération des étudiants chiliens), où je suis pour quelques jours en provenance de Montréal, au Canada. C'était très beau. Il y avait des milliers et des milliers de slogans, de chansons, de danses ... 

Nous avons été contaminé par l'enthousiasme et la joie et nous avons rejoint rapidement la Plaza Italia, nous joignant aux uns et aux autres, découvrant la créativité, l'espièglerie, la poésie et la détermination de la lutte, en brandissant des écriteaux, en prenant des photos et en retrouvant de vieux amis, qui, presque tous ont maintenant la tête grisonnante.

Nous sommes arrivés à côté d’une scène où nous pouvions entendre les discours, intéressés, désireux d’écouter les représentants de la jeunesse et aussi d'autres acteurs de la solidarité, les alliés de la cause de l'éducation. Il y avait une ardeur combative, de la détermination et le désir de se rassembler, pour converger, pour changer un ordre établi dans une société malade de son mal être, non seulement à cause d'un système éducatif déficient, mais vicié par les dérives néfastes se produisant dans tous les domaines.

Quand la musique a commencé, nous avons ouvert un chemin vers le côté pour nous en aller. Ma mère nous attendait pour le déjeuner à la maison. Nous nous sommes dirigés vers la gauche de la scène du côté rue de la Bandera. Il était environ 13h30. Après quelques pas, nous avons découvert, près de la rue San Pablo, qu’il y avait des affrontements et des blindés lanceurs d’eau. Nous avons été étonnés par la forte violence. Contrastant tant avec l'acte qui se tenait quelques pas derrière nous avec les milliers de manifestants pacifiques qui chantaient et dansaient au son d'un groupe Cumbiero.

Dans la rue Bandera c’était la guerre. Les blindés (el guanaco - en photo) attaquaient. Volaient des pierres et autres objets. Certains jeunes ont essayé d’arracher des poteaux où se trouvaient des écriteaux et des annonces. Nous sommes restés bouche bée, les yeux fixés. Nous étions peut-être là depuis deux minutes. 

Tout à coup, et avant de pouvoir réagir, ont avancé les blindés depuis la rue San Pablo et des dizaines de flics courrant à la poursuite des garçons. Certains ont tiré. Ce fut la débandade. Nous nous sommes déplacés rapidement. Ma fille prenant des photos.

Soudain, mon ami a eu le souffle coupé, et a touché au visage. Il venait de recevoir l'impact d'une balle dans l'œil droit. A partir de là ce fut la folie. 

Plusieurs jeunes nous ont permis de nous protéger de la bataille de rue, où il fut prodigué une première aide à mon compagnon. Après un parcours chaotique, (…) un jeune chilien (...)Vladimir, nous a conduits aux urgences de l'hôpital El Salvador (...) Enrique a été admis en urgence en  chirurgie, nous en serons plus demain. Il y a le risque qu’il perde un œil. Nous sommes encore sous le choc. Cette réalité cruelle nous blesse profondément. (…)

Nous sommes tristes, mais surtout très choqués et en colère. Combien de temps encore durera la brutalité de la police ? Son intervention génère un cercle vicieux celui de la violence ... Il y a des limites. Nous condamnons fermement cette escalade, ces abus de pouvoir et l'extrême brutalité de la police. Nous dénonçons cette agression. Nous exigeons la justice.


Post-scriptum : Deux photos ont été prises par ma fille Amelia Orellana."


Note :

(*) Isabel Orellana est professeure à la faculté des sciences de l'éducation de l’université du Québec à Montréal.