jeudi 18 avril 2013

Le Brésil doit mettre un terme à l'impunité héritée du passé

Le procès du massacre 
de Carandiru 
doit mettre un terme 
à l'impunité héritée du passé


Par Amnesty International

Le procès qui s'est ouvert au Brésil le 15 avril, et qui vise à établir les responsabilités de la police dans le massacre qui a eu lieu dans une prison du pays il y a 20 ans, doit amorcer la rupture avec un passé marqué depuis longtemps par l'impunité, a déclaré Amnesty International lundi 15 avril 2013. Selon l'organisation de défense des droits humains, le fait que les autorités brésiliennes n'aient traduit pratiquement personne en justice pour les homicides perpétrés à Carandiru a renforcé les atteintes qui caractérisent de longue date le système pénitentiaire au Brésil.

Plus de 20 ans après la répression, par la police de l'État de São Paulo, de l'émeute survenue à la prison de Carandiru, qui a fait 111 morts parmi les détenus, 26 agents de police qui auraient pris part à cette opération meurtrière devraient comparaître en justice le 15 avril. Ce procès, le premier d'une série qui en comptera quatre, avait été ajourné la semaine précédente.
 

« Il faut que ce procès marque un tournant dans l'histoire », a déclaré Atila Roque, directeur du bureau d'Amnesty International au Brésil. « Pendant des années, le fait que les responsables présumés du massacre de Carandiru n'aient pas été traduits en justice a fait planer une ombre sur le pays tout entier. Nous espérons que l'impunité est finalement sur le point de prendre fin. »
 

Amnesty International a affirmé que les policiers ayant directement participé au massacre n'étaient pas les seuls à devoir répondre de leurs actes. Les responsables de la sécurité publique de l'État de São Paulo et le gouverneur de l'État qui étaient en poste à l'époque devraient également faire face à la justice.
 

Plusieurs éléments ont entraîné des retards dans ces procès, en particulier le conflit entre la justice civile et la justice militaire pour déterminer laquelle des deux était compétente dans ce cas.

« Il ne fait aucun doute qu'il y a eu un recours excessif à la force à Carandiru et il existe des éléments probants renforçant fortement les soupçons selon lesquels la police aurait procédé à des exécutions extrajudiciaires », a précisé Atila Roque.


« Qu'il s'agisse de négligence ou de complicité, le système judiciaire a fait preuve d'indifférence, voire d'un mépris total envers le concept de justice et les droits de ceux qui ont été tués sauvagement et sans vergogne à Carandiru. »


La procédure judiciaire dont a fait l'objet le colonel Ubiratan Guimarães, qui était à la tête des troupes de la police militaire envoyées rétablir l'ordre à Carandiru, est l'exemple le plus frappant du dédain témoigné par les autorités brésiliennes envers les violations flagrantes des droits humains commises à la prison.


En juillet 2001, Ubiratan Guimarães avait été condamné à plus de 600 ans de réclusion par un tribunal de São Paulo. Cependant, en février 2006, la Cour suprême du Brésil a annulé cette condamnation, estimant que cet homme avait agi en stricte conformité avec son devoir et qu'il suivait des ordres émanant de sa hiérarchie.


« Le massacre de Carandiru est lié à deux problèmes qui continuent de peser sur le système pénitentiaire brésilien : d'une part, le vaste recours à la torture et les conditions de détention cruelles, inhumaines et dégradantes au sein des centres de détention dans tout le pays et, d'autre part, les réticences des autorités pour tenter de résoudre ces problèmes soit par le biais de réformes efficaces, soit en ouvrant des enquêtes et en obligeant les auteurs présumés à répondre de leurs actes », a expliqué Atila Roque.


D'après Amnesty International Brésil, ces problèmes ont empiré au cours des deux décennies qui ont suivi le massacre. Durant cette période, la population carcérale du pays est passée de 114 377 détenus en 1992 à 514 582 en 2011, selon les chiffres du ministère de la Justice.


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Le 2 octobre 1992, une émeute s'est déclarée à la Casa de Detenção de São Paulo, un pénitencier connu sous le nom de Carandiru. Des bagarres ont éclaté entre des prisonniers qui ont alors pris le contrôle du pavillon 9 de la prison. Des troupes de la police militaire ont pris d'assaut la prison pour étouffer la rébellion. Lorsqu'elles se sont retirées, 11 heures plus tard, 111 prisonniers avaient trouvé la mort.

Vingt-quatre heures après le massacre, une équipe d'Amnesty International a pénétré dans le centre de détention et a découvert de nombreux éléments indiquant que la Tropa de Choque, la police antiémeute de São Paulo, avait commis des violations des droits humains extrêmement graves.

Dans un rapport détaillé sur les conséquences de l'opération de la police militaire, intitulé
Brésil. Massacre dans la prison de São Paulo, l'organisation a indiqué : « ... il est apparu clairement que des prisonniers sans défense avaient été massacrés de sang-froid... Des prisonniers blessés ont été abattus, tout comme les détenus qui avaient reçu l'ordre d'emporter les corps hors des cellules... Sur les lieux se trouvaient trois juges, dont le magistrat chargé des prisons, qui n'ont pourtant rien fait pour s'opposer à ces manœuvres. »
 

Ce rapport dans son ensemble a été présenté comme élément de preuve lors du procès d'Ubiratan Guimarães. Il peut être consulté à l'adresse suivante : Cliquez ici !

Soixante-dix-neuf policiers impliqués dans ce massacre vont être jugés dans le cadre de quatre procès distincts au cours de l'année 2013. Chaque procès portera sur les actions de la police à l'un des quatre étages du pavillon 9 de la prison de Carandiru.

Jusqu'ici, l'écrasante majorité des personnes accusées d'avoir une part de responsabilité dans ces faits n'ont jamais été traduites en justice. La plupart d'entre elles ont poursuivi leur carrière au sein des forces de police jusqu'à leur retraite. Un tiers sont encore en service actif.

 
Source : Amnesty International