mardi 19 février 2013

Chili, est-il possible de re-nationaliser l'eau ?

Comment
re-nationaliserons -nous
l'eau ?



Par Christian Tapia – Traduction de Libres Amériques

Au Chili, l'eau coulant dans les rivières ou nappes souterraines est attribuée aux utilisateurs pour diverses activités, distinctement du pouvoir économique et du poids politique. C’est-à-dire, nous parlons d'un monde où existent des petits et des grands, des faibles et des forts. Ces utilisateurs peuvent être des agriculteurs, des consommateurs d'eau potable en milieu rural, des entreprises sanitaires, des entreprises forestières, de l'industrie et des mines.

Cette assignation est réalisée à travers de la forme légale des droits à l’eau, elle est appliquée comme il est indiqué dans le Code eau de 1981, qui stipule textuellement à l'article n ° 5 que « les eaux sont des biens nationaux et donne droit aux particuliers le de les utiliser. » Autrement dit, l'eau étant un bien national, les utilisateurs bénéficient d'un droit libre et perpétuel pour utiliser cette ressource pour ses intérêts particuliers.

En outre, la «démocratique» Constitution de 1980 a établi une privatisation en une courte phrase, la plus acharnée ayant existée dans le monde entier pour les problèmes d'eau : «Les droits reconnus des particuliers sur les eaux, ou constitués conformément à la loi, octroient à ses titulaires la propriété sur celles-ci. (Article n ° 19).

Cela signifie que le droit attribué aux utilisateurs de profiter de cette ressource vitale devient propriété privée. Ainsi, ce droit de propriété s'applique sur l'exploitation des eaux et non sur les  eaux mêmes, ce qui en théorie en font encore un  bien de toute la nation. Une astuce juridique digne du Magicien OII.
 
Avec un droit fort de propriété, les idéologues néolibéraux ont ouvert la voie à l'État d'allouer des droits d'eau initialement libres, perpétuels, pour postérieurement laisser le marché opérer.

Cela n'a aucune considération sociale, puisque l'économie de base sait que les marchés, par définition, n'ont pas de considérations sociales ou environnementales. Ici, n'entre pas l’équité ou de la participation citoyenne. De fait, aujourd'hui, la plupart de l'eau au Chili n’est pas chilienne et la concentration des droits sur l’eau par peu d’utilisateurs est brutale.

Le marché ne donne pas la priorité entre les usagers, il n'est pas nécessaire de le faire parce qu'il est basé sur la concurrence. Par exemple, il n’existe pas de priorité de l’utilisation de l’eau pour la consommation humaine sur l’usage des exploitations minières, comme le bon sens commun pourrait le suggérer ou reconnu explicitement comme le droit humain à l'eau par les Nations Unies dans sa résolution 64/292.

Ainsi, seuls quelques usages de l'eau seront d’une meilleure rentabilité  économique et seront ceux qui survivront sur le long terme, une situation qui a été évidente par l'achat de droits sur l'eau des exploitations minières à des petits agriculteurs dans le nord du pays, ou par des compagnies sanitaires, qui répercutent ensuite leurs coûts aux usagers.

Ici aussi entre l'intérêt national, parce qu’avec un régime tributaire ad-hoc, les grandes exploitations minières ou les industries qui utilisent l'eau comme un facteur de production essentiel et génèrent des millions de dollars de profits grâce à cette ressource vitale, finissent par porter le bénéfice net vers des coffres étrangers.

Le diagnostic semble lapidaire et pour proposer des solutions, comme la renationalisation de l'eau,  d'abord il doit être considéré en premier lieu, que les droits à l’eau gratuite assignés par l'Etat, ou ceux achetés sur le marché de l'eau, n'ont aucune obligation légale de payer une taxe ou un impôt pour l'usufruit d'un bien national à des fins productifs privés. C’est-à-dire, il n'existe aucun mécanisme pour orienter une partie des bénéfices réalisés par l'utilisation de l'eau à l'état, et ainsi de les diriger vers des buts sociaux ou des causes d'intérêt public.

Alors, comment  re-nationaliserons-nous l’eau ?

C’est sans doute, un chemin complexe, une lutte qui laissera des blessés sur la route, où les puissants intérêts des entreprises et des politiques montreront les crocs pour empêcher n'importe quelle réforme naissante sur le sujet.

Tout d'abord, les droits de propriété sont un travail juridique très bien ficelé chez les mères lois de notre législation. Sous l'actuel cadre politique et normatif, une réforme légale qui implique un changement de cette nature est pratiquement irréalisable et les résultats peu clairs.

Il est possible de changer le caractère perpétuel du droit à l’eau vers un droit temporaire. De toute façon, les personnes concernées diront  que leur droit à la propriété a été violé et il pourrait avoir raison.

Deuxièmement, l'État pourrait réaliser un achat massif de droits sur l'eau dans les zones les plus critiques en devenant ainsi propriétaire. Mais est-il juste de tout simplement acheter quelque chose qui était initialement gratuit et qui par la suite a généré de grands bénéfices aux dits titulaires de titres au fil des ans? Ce n'est manifestement pas équitable.

Troisièmement, l'État pourrait toucher de l’argent pour l'utilisation de l'eau, puisque actuellement  ce qui se paye pour cela est de zéro. De cette manière, il est possible de diriger les bénéfices et utilités, que génère l'eau par les activités économiques, et les empêcher de s'échapper vers d'autres latitudes. Cela devrait établir une distinction entre petites activités, telles, que l'agriculture de subsistance et l'exploitation du cuivre, pour placer un exemple.

Enfin, si une partie du bénéfice de l'exploitation d'une ressource naturelle par toute activité privée reste dans le pays, nous serons en train de parler d'une forme graduelle de nationalisation.


Source : Cooperativa.cl (en espagnol)