extrait du
rapport annuel 2013
Par Human Rights Watch
L’instabilité politique, les séquelles du tremblement de
terre de janvier 2010 et la persistance d’une épidémie mortelle de choléra continuent
de gêner les efforts du gouvernement haïtien pour satisfaire les besoins
fondamentaux de la population et pour résoudre des problèmes existant de longue
date dans le domaine des droits humains, comme les violences faites aux femmes
et aux filles, les conditions de vie inhumaines dans les prisons et l’impunité
dont jouissent les auteurs de crimes commis dans le passé.
Du fait de la démission en février du Premier ministre Garry
Conille et de l’incapacité du gouvernement à tenir d’importantes élections en
2012, des postes politiques clés sont restés vacants. Le mandat d’un tiers des
membres du Sénat haïtien a pris fin en mai. Mais au moment de la rédaction de
ce rapport, les élections pour désigner leurs successeurs n’avaient toujours
pas eu lieu, ce qui remet en cause la capacité de cette chambre à légiférer.
En février, à l’annonce par le président Michel Martelly de
sa décision de ne pas reconstituer l’armée haïtienne, dissoute en 1995 après
des décennies de graves violations des droits humains par certains de ses
membres, d’anciens soldats ou officiers se sont emparés d’anciennes bases et
installations militaires. La Police nationale d’Haïti (PNH), soutenue par les
forces des Nations Unies, est intervenue pour mettre fin à ces occupations
illégales.
L’ONU estime que près de 400.000 personnes déplacées dans
leur propre pays (PDI) vivaient dans des camps en juin 2012. Plus de 65.000
personnes ont été expulsées des camps depuis juillet 2010 et 80.000 autres
résidents des camps étaient menacés du même sort au moment de la rédaction de
ce rapport. On estime que l’épidémie de choléra a tué plus de 7.440 personnes
et en a infecté 600.000 depuis octobre 2010.
Système judiciaire
Les limogeages et les démissions de responsables de haut
rang gênent les efforts visant à améliorer l’efficacité du système judiciaire
haïtien. Le ministre de la Justice Josué Pierre-Louis a démissionné fin 2011
dans un contexte de controverse créé par l’arrestation d’un parlementaire.
La capitale d’Haïti, Port-au-Prince, a connu sept procureurs
en chef depuis que le président Martelly est entré en fonctions en mai 2011. En
septembre 2012, le procureur Jean Renel Sénatus a affirmé avoir été limogé
parce qu’il avait refusé d’émettre, comme le lui demandait le ministre de la
Justice Jean Renel Sanon, 36 mandats d’arrêt illégaux à l’encontre d’opposants
au gouvernement, dont trois avocats respectés spécialistes des droits humains.
Martelly a instauré officiellement le Conseil supérieur de
la magistrature en juillet 2012. Une loi de 2007 prévoyait la création de cet
organe afin de promouvoir l’indépendance de la magistrature dans un système
judiciaire longtemps marqué par les ingérences politiques, la corruption et le
manque de transparence.
Au cours de son premier mois de fonctionnement, deux membres
de ce conseil ont démissionné en raison d’allégations selon lesquelles le
pouvoir exécutif avait indûment influencé le processus de nomination du Conseil
électoral permanent (CEP). Jusqu’à novembre 2012, le Conseil continuait de
peiner à remplir son mandat tandis que se poursuivait la controverse au sujet
des nominations au CEP.
La faiblesse des capacités de la PNH contribue à
l’insécurité générale en Haïti. Bien que le gouvernement et la Mission des
Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) aient fait de la
réforme de la police une priorité, ils se heurtent à des difficultés pour
former un nombre suffisant de nouvelles recrues. D’autre part selon le Bureau
du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), les
autorités haïtiennes ont fait très peu de progrès en matière d’enquêtes sur les
allégations d’exécutions extrajudiciaires, d’arrestations arbitraires et de
mauvais traite- ment de détenus commis par la police en 2011.
Conditions de détention
Le système carcéral d’Haïti demeure très surpeuplé, pour une
large part en raison d’un grand nombre d’arrestations arbitraires et de gardes
à vue prolongées. Par exemple, dans la prison de Saint-Marc, dans l’ouest
d’Haïti, 36 détenus sont entassés dans une cellule conçue pour 8 personnes, et
doivent s’asseoir et dormir à tour de rôle à cause du manque de place. L’ONU a
fait état d’une hausse spectaculaire du nombre de décès en prison dans la
première moitié de 2012—de 43 pour toute l’année 2011 à 69 au premier semestre
de 2012—dont la cause est attribuée à une recrudescence des cas de choléra et
de tuberculose dans les prisons d’Haïti.
Une étude de certains dossiers considérés comme pouvant
constituer des cas de détention arbitraire a conduit à la libération de nombreux
individus en 2012.
Droits des femmes
Haïti est depuis longtemps affecté par une forte incidence
de violences sexuelles, mais la précarité des conditions de vie après le
tremblement de terre a rendu certaines femmes et filles encore plus
vulnérables. Malgré la fermeture de camps pour personnes déplacées, le problème
des violences sexistes perdure. Les victimes de viol se heurtent à des
difficultés dans l’accès à des services médicaux afin d’éviter une grossesse
non désirée ou des maladies sexuellement transmissibles.
Bien que le système judiciaire ne réponde pas de manière
adéquate à la situation créée par ces crimes, des progrès ont été enregistrés
en 2012 dans certains cas: les tribunaux de Port-au-Prince ont condamné au
moins 13 individus pour viol en août. Deux de ces condamnations ont été
obtenues grâce à l’apport de preuves médico-légales, ce qui constitue une
avancée pour le système judiciaire haïtien.
Droits des enfants
Avant le tremblement de terre, environ la moitié seulement
des enfants d’Haïti fréquentaient l’école primaire. En 2011, le président
Martelly a présenté un plan visant à assurer une éducation primaire gratuite
pour tous. Au début de l’année 2012, environ 772.000 enfants avaient reçu une
aide aux frais de scolarité grâce à ce programme.
L’utilisation d’enfants comme employés domestiques—appelés
restavèks—se pour- suit, malgré des efforts pour y mettre fin. Les restavèks,
dont 80 % sont des filles, proviennent de foyers pauvres et sont envoyés vivre
dans des familles plus aisées dans l’espoir qu’ils seront scolarisés et qu’on
s’occupera d’eux, en échange de menus travaux domestiques. Mais souvent, ces
enfants ne sont ni éduqués ni payés et sont victimes de sévices physiques ou
sexuels.
A la suite de la parution de nombreuses informations
concernant des procédures d’adoption inappropriées immédiatement après le
tremblement de terre, certains défenseurs des droits des enfants ont soulevé le
problème et affirmé que les procédures d’adoption mises en place par le
gouvernement étaient inadéquates. Pour assurer une meilleure protection des
enfants lors du processus d’adoption, le parlement a ratifié en juin 2012 la
Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération
en matière d’adoption internationale.
Obligation de rendre compte pour les crimes du passé
L’ancien président Jean-Claude Duvalier est rentré en Haïti
en janvier 2011 après avoir passé près de 25 ans en exil. Il a été accusé de
crimes économiques et de violations des droits humains commis pendant ses 15
ans de présidence. De 1971 à 1986, Duva- lier a contrôlé un réseau de forces de
sécurité qui ont commis de graves violations des droits humains, notamment des
détentions arbitraires, des tortures, des disparitions forcées, des exécutions
sommaires et des exils forcés.
En janvier 2012, le juge d’instruction chargé de ce dossier
a estimé, en contradiction avec les normes internationales, que l’expiration du
délai de prescription ne permet- tait pas de poursuivre Duvalier pour ses
violations des droits humains. Un appel était toujours en cours d’examen au
moment de la rédation de ce rapport.
Principaux acteurs internationaux
La MINUSTAH est déployée en Haïti depuis 2004. En octobre
2010, des allégations sont apparues selon lesquelles un contingent de Casques
bleus de l’ONU se trouvait à la source de l’épidémie de choléra. Une enquête
indépendante de l’ONU a permis d’établir que l’épidémie avait été causée par un
concours de circonstances, mais de nombreuses analyses scientifiques tendent à
prouver que la souche de l’épidémie a très probablement été introduite dans le
pays par des soldats de la MINUSTAH.
En novembre 2011, l’Institut pour la justice et la
démocratie en Haïti et le Bureau des Avocats Internationaux a porté plainte
contre l’ONU au nom de 5.000 victimes du choléra, affirmant que la MINUSTAH
était la cause la plus probable de leur maladie. La plainte vise à obtenir
l’installation d’un réseau national d’approvisionnement en eau et
d’assainissement, des indemnités financières pour chacune des victimes et des
excuses publiques de la part de l’ONU. Au moment de la rédaction de ce rapport,
aucun progrès dans cette affaire n’avait été rendu public.
Les exploitations et les atteintes sexuelles commises par
les forces de l’ONU en Haïti demeurent un problème. Selon des chiffres de
l’ONU, au moins 60 accusations de sévices sexuels ont été portées contre des
soldats du maintien de la paix au cours des cinq dernières années. En 2012,
plusieurs Casques bleus pakistanais ont été accusés d’avoir violé un garçon de
14 ans. Les autorités pakistanaises ont traduit deux d’entre eux en cour
martiale sur une base de l’ONU et les a condamnés tous les deux à un an de
prison à purger au Pakistan. Les autorités haïtiennes locales n’ont été
informées qu’après le procès.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a prorogé le mandat
de la MINUSTAH jusqu’au 15 octobre 2013.
Le parlement d’Haïti a ratifié en janvier 2012 le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).
Rapport mondial 2013 en anglais
de HRW (665 pages) :
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Source : HUMANN RIGTHS WATCH