de « Reporters Sans Frontières »
sur l’état de la liberté
de la presse dans le monde
par Mamadou Meité
Le rapport annuel 2013 de
Reporters Sans Frontières dresse un tableau complet de la situation de
la liberté de la presse dans le monde. A l’aide d’une méthodologie
explicite et d’un inédit « indice annuel de la liberté de la presse »,
ce rapport permet de constater combien la liberté d’informer bénéficie
d’une protection fluctuante sur la surface du globe. Elle n’est nulle
part un acquis irréversible, mais au contraire un bien précieux qu’il
importe de préserver constamment.

Les métaphores affluent pour mettre en exergue la primordialité de la liberté de la presse : « chien de garde de la démocratie » pour le juge européen des droits de l’homme (v. ainsi Cour EDH, G.C. 14 septembre 2010, Sanoma Uitgevers B.V. c. Pays-Bas, Req. n° 38224/03, § 50 – ADL du 14 septembre 2010) ou « quatrième pouvoir » pour d’autres. Au-delà de ces exercices sémantiques, il reste incontestable qu’une « société ouverte »
requiert une bonne protection de la liberté d’informer. La
compréhension de cette évidence ne semble pas être la même partout selon
que l’on soit en Afrique, en Amérique, en Asie ou en Europe. En effet,
à l’aune du récent rapport de RSF, l’attitude de certains Etats,
représentatifs chacune des aires géographiques précédemment citées,
révèle que les pouvoirs publics peinent parfois à « prendre au sérieux » cette liberté d’information.
En premier lieu, l’Afrique présente une situation fortement contrastée.
L’état de la liberté de la presse y est le reflet de la démocratisation
inaboutie de plusieurs États. Ainsi, n’est-il guère surprenant de voir
des États comme la Gambie, l’Érythrée, la monarchie du Swaziland
afficher un bilan annuel sombre. Le cas du Rwanda et de la Guinée
Équatoriale qui, également, méprisent la liberté d’information est
éloquent alors que ces deux pays arborent une réussite économique
enviable en Afrique. Cette posture idéologique opposée au respect des
libertés formelles et qui influence la gouvernance politique est bien
sûr regrettable. Outre ce groupe d’Etats autoritaires, et à rebours de
l’an passé, plusieurs quasi-démocraties africaines où la liberté de la
presse était mieux prise en compte semblent avoir reculé dans ce
classement 2013. Il s’agit notamment du Tchad, du Zimbabwe, du nouvel
Etat du Soudan du Sud, du Cameroun, du Burundi. A côté de ces exemples,
un autre groupe d’Etats, dont le Libéria, le Sénégal et la Côte
d’Ivoire, a accompli des efforts louables aux fins de rendre effective
la liberté de la presse. Les démocraties comme le Ghana, le Cap vert, la Namibie font toujours figure de bons élèves.
En deuxième lieu, en Amérique, la Jamaïque devance dans ce rapport les Etats-Unis et le Canada.
Etat le mieux noté du continent américain, la presse semble y jouir
d’une situation plus favorable que dans les deux pays nord-américains.
Ce fait prouve que l’effectivité de la liberté de la presse n’est
nullement liée à « la richesse des Nations ». Parmi les pays
latins de l’Amérique, Cuba, dans le prolongement du régime castriste qui
y perdure, reste le plus allergique à la liberté de l’information.
Outre ce pays, le Mexique conserve sa mauvaise réputation de pays le
moins respectueux de la liberté de la presse parmi les États
démocratiques de la région. Ce pays de l’OCDE reste derrière les grandes puissances régionales que sont le Brésil et l’Argentine. Sans surprise, le Costa Rica, siège de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, demeure le pays le plus libéral de l’Amérique latine.

En quatrième lieu, l’Europe, sans surprise, présente un meilleur tableau.
Exceptés les cas de la Grèce et de la Hongrie, les pays européens
attachent une grande importance à la liberté de presse, comme en
témoigne les données de ce rapport 2013. Toutefois, le Belarus et
l’Azerbaïdjan n’évoluent pas dans un sens favorable. Par ailleurs, les
pays eurasiatiques comme la Turquie et la Russie développent toujours
une conception bien particulière de la liberté de la presse, le droit à
l’information dans ces deux puissances moyennes n’y étant guère
pleinement respecté.
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Somme toute, il importe de retenir de ce Rapport 2013 que l’effectivité de la liberté de la presse est contingente. Elle n’est point un acquis irréversible. Elle reste soumise aux facteurs politiques, économiques voire sociaux que chaque pays traverse. Les cas de la Grèce, de la Syrie et du Mali le prouvent.
Au regard de cette évidence, en paraphrasant la devise de MSF, parce
que la liberté de l’information est précieuse, il convient de la
protéger. La démocratie l’exige.
Reporters Sans Frontières :