vendredi 22 février 2013

Europe/Colombie, lettre au président du parlement de l'UE

LETTRE OUVERTE à MARTIN SCHULZ, PRéSIDENT DU PARLEMENT EUROPéEN, SUITE à SA VISITE EN COLOMBIE

Par Protection Internationale

Cher Mr. Martin Schulz : Les organisations (liste en bas de page) souhaiteraient saluer votre visite en Colombie en qualité de Président du Parlement européen, visite que nous percevons comme un signe de l’importance que le Parlement européen donne à ce pays. Nous aimerions également saluer votre soutien au processus de paix en cours de réalisation entre l’administration Santos et les FARC-EP, ainsi que votre appel à la libération des personnes ayant été kidnappées par la guérilla. 

En effet, en tant qu’organisations sociales des droits humains, nous insistons sur la nécessité pour l’UE d’accompagner le processus de paix afin d’atteindre une paix durable, fondée sur le respect intégral des droits humains, malgré les défis inhérents au processus. Nous regrettons cependant le manque de références à la persistante situation critique des droits humains en Colombie dans le communiqué du 15 février 2013 portant sur votre visite, ainsi que dans votre interview du 17 février avec le journal El Espectador.

Comme vous l’avez rappelé dans le communiqué portant sur votre visite, en ratifiant l’Accord de libre-échange avec la Colombie, le Parlement européen s’est engagé à réaliser un suivi spécial du “respect des droits de l’homme et l’environnement”, en mettant en œuvre le “plan d’action” se rapportant à ces sujets. Nous souhaiterions rappeler l’article 1er de l’Accord, qui stipule que le respect des droits fondamentaux est un élément essentiel de l’Accord de libre-échange. Ce dernier accorde également responsabilité et légitimité au Parlement européen lui permettant de suivre de près et de s’exprimer sur la situation des droits humains en Colombie quand nécessaire. 

De plus, nous soulignons la fait que, d’après l’article 2§5 du traité de Lisbonne : “Dans ses relations avec le reste du monde, l’Union (…) contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l’élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l’homme (…) ainsi qu’au strict respect et au développement du droit international (…)”.

Aussi, nous souhaiterions souligner les éléments suivants, qui illustrent le climat critique en terme de droits humains en Colombie, et à propos desquels, en tant que Président du Parlement européen, il aurait été nécessaire d’exprimer publiquement votre plus grande préoccupation.
 
•    Seulement au mois de janvier 2013, 950 cas de disparitions ont été enregistrés par l’Institut national de médecine légale. 474 de ces cas se rapportent à des faits ayant eu lieu au cours de ce mois (273 hommes et 201 femmes). “La majorité de ces cas sont liés à des enlèvements et des disparitions forcées”. D’après les données de l’Institut national de médecine légale, au 31 août 2012, le cumul des disparitions forcées d’individus avait atteint 18,638. Il est important de tenir compte du fait que les chiffres sont souvent très en-deçà de la réalité.
 
•    Dans son rapport de Novembre 2012, le bureau du Procureur de la Cour Pénale Internationale a estimé qu’il y avait “une base raisonnable pour penser” que des actes constituant des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre ont été commis par les différents acteurs du conflit armé (guérillas, paramilitaires et agents de l’Etat). Ces crimes incluent des meurtres (exécutions extra-judiciaires), des disparitions forcées et des violences sexuelles commises par des agents de l’Etat. Parmi ces crimes, on compte également, entre autres, des meurtres, déplacements forcés, violences sexuelles, prises d’otages et conscription, enrôlement et utilisation d’enfants par les FARC, l’ELN et les groupes paramilitaires.

 
Les personnes mobilisées face à cette situation continuent à être victimes d’attaques :
 
o    Le 13 février, la voiture utilisée par le prêtre Alberto Franco de la Commission interconfessionnelle de justice et paix (CIJP) a été la cible de trois balles. La CIJP travaille à la restitution des terres dans plusieurs régions du pays et pour la vérité, la justice et la mémoire historique. L’attaque a eu lieu au cours de la semaine où se tenaient des auditions de la Cour inter-américaine des droits de l’homme dans le cadre de l’affaire Marino López et autres, dans laquelle la CIJP représente les communautés de Cacarica contre l’Etat colombien.
 
o    Le 12 février, Omner Guejia Taquinás, leader autochtone de la communauté Nasa Yu’luuçxan (Las Minas) a été assassiné. Omner Guejia a été approché par une personne en mobylette qui lui a tiré une balle dans la tête.
 
o    Le 11 févier, les défenseuses des droits humains, Gloria Amparo Suárez et Yolanda Becerra Vega, représentante légale et directrice nationale de l’Organisation féminine populaire (OFP), ont été menacées par une personne inconnue se déplaçant en mobylette. Au cours des derniers mois, Yolanda Becerra Vega a joué un rôle important dans les efforts locaux et nationaux d’organisation pour la mise en œuvre des droits des victimes à la vérité, la justice et la réparation.
 
o    Le 7 février, Alba Mery Chilito, une des grand-mères de l’Association de victimes Trujillo a été tuée. Alba Mery avait 68 ans. Durant les années du massacre Trujillo, quatre membres de sa famille, dont sa fille, ont été disparus et tués. Ces victimes font partie des 342 victimes des meurtres perpétrés entre 1988 et 1994 par les paramilitaires, les trafiquants de drogue et les membres de la Police et de l’Armée. Alba Mery se battait simplement pour la vérité.
 
o    Le 6 février, le parlementaire Iván Cepeda dénonçait l’existence d’un plan pour l’assassiner. Iván Cepeda est co-président de la Commission de Paix du Congrès colombien. Il a notamment porté plainte contre l’ex président colombien, Álvaro Uribe, devant la Cour Pénale Internationale (CPI).
 
o    Le 24 janvier, Martha Elena Díaz Ospina, fondatrice et présidente de l’Association des familles unies par une même douleur (AFUSODO), recevait une menace de mort, signée par le groupe paramilitaire, “Los Rastrojos”. AFUSODO est une organisation qui aide les mères de personnes ayant été victimes de disparition forcée aux mains des forces armées. Mme Díaz est également membre de la section Atlantique du Mouvement des victimes de crimes d’Etat (MOVICE).


Les attaques contre les syndicats continuent également :
 
o    Le 30 janvier, Elizabeth Gutiérrez a été assassinée. Elle était professeur et membre syndiquée active.
 
o    Le 28 janvier, le syndicaliste Juan Carlos Pérez Muñoz a été victime d’une embuscade alors qu’il quittait son domicile pour se rendre au travail. Cinq tueurs à gages l’ont abattu de huit balles. Mr. Pérez Muñoz aidait à l’organisation de la mise en place d’une section pour les “coupeurs” de canne à sucre de l’Union Nationale des travailleurs agro-industriels (SINTRAINAGRO).
 
o    Durant le mois de janvier, le président et le trésorier de l’Union nationale des travailleurs de l’industrie du charbon (SINTRACARBON), tous deux responsables des négociations avec l’entreprise Cerrejón, ont reçu des menaces. Les syndicalistes colombiens Igor Díaz López et Aldo Raúl Amaya Daza ont reçu des menaces de mort par téléphone et ont signalé la présence d’hommes armés aux abords de leur maison.

Le dernier rapport publié par le Programme « Somos Defensores », présenté durant votre visite en Colombie, montre une augmentation des attaques à l’encontre des défenseurs des droits humains. En effet, en 2012, 357 défenseurs ont été victimes d’attaques individuelles, un chiffre qui accuse une augmentation de 49% par rapport à 2011 (239 attaques). Ces chiffres incluent 69 meurtres, 20 de plus qu’en 2011, presque un tous les cinq jours.

En décembre 2012, alors que le Parlement européen ratifiait l’Accord de libre-échange, la Colombie adoptait une réforme constitutionnelle – soutenue par le gouvernement colombien – étendant la compétence de la justice pénale militaire. Cette réforme a été adoptée malgré les déclarations faites par de multiples organisations nationales et internationales et en dépit des questionnements exprimés par de nombreux mécanismes de droits de l’Homme des Nations Unies et du Système inter-américain des droits de l’Homme, réclamant le retrait de cette réforme.

En tant qu’organisations sociales et citoyens européens et colombiens, nous considérons qu’en votre qualité de Président du Parlement européen – organe qui aspire à être «un farouche défenseur des droits de l’homme», élu par les citoyens européens – vous ne pouvez pas garder le silence face à la situation dramatique situation dont souffre la Colombie.

Nous considérons que l’UE, en accord avec ses valeurs fondamentales, doit assurer le respect des droits humains universellement reconnus et donc s’assurer de ce que les intérêts commerciaux ne priment pas sur les droits humains dans ses relations internationales. Nous sommes préoccupés par le silence de l’UE face aux innombrables violations des droits humains en Colombie. 

Nous espérons que la présidence du Parlement européen, après sa visite en Colombie, n’ignore pas de telles violations et écoute les demandes des défenseur(e)s des droits humains qui continuent à demander des déclarations claires et fortes de la part d l’UE en soutien à leur travail et condamnant toute agression à leur encontre.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées,

Réseaux et Organisations en Europe :

-    ABColombia (agroupant 5 organisations de Grande Bretagne et d’Irlande)
-    Bureau International des Drotis Humains Action Colombie – OIDHACO (Réseau européen de plus de 30 organisations de 9 pays de l’Union Européenne, ainsi que de Suisse et de Norvège)
-    Centre National de Coopération au Développement-11 11 11 / CNCD-11.11.11 (coupole de près de 90 d’ONG de développement, de syndicats et d’associations d’éducation permanente – Belgique)
-    Grupo Sur (réseau de 11 organisations européennes)
-    Plataforma Estatal por la Paz y los Derechos Humanos en Colombia intégrée par 50 organisations espagnoles regroupées de façon régionale:
-    Coordinación Valenciana de Solidaridad con Colombia (CEAR-PV, CEDSALA, CEPS, Colectivo Sur-Cacarica, Entreiguales-Valencia y la Intersindical Valenciana);
-    Coordinadora Catalana por la Paz y los Derechos Humanos en Colombia;
-    Kolektiba Colombia-País Vasco;
-    Mesa de Apoyo a la Defensa de los Derechos Humanos de las Mujeres y la Paz en Colombia;
-    Plataforma Andaluza de Solidaridad con Colombia;
-    Plataforma Asturiana por la Paz y los Derechos Humanos en Colombia;
-    Plataforma Justicia por Colombia (CEAR, Paz con Dignidad, IEPALA, MUNDUBAT, Ecologistas en Acción, OSPAAAL, Comité Oscar Romero de Madrid),
-    Red Canaria por los Derechos Humanos en Colombia
-    Platform of European Development Organizations in Colombia – PODEC
-    Asociación Cristiana para la Abolición de la Tortura – ACAT (France)
-    CCFD (France)
-    Center for Research and Documentation Chile-Latin America (Allemagne)
-    Christian Aid (Grande Bretagne et Irlande)
-    Colectivo Maloka Colombia (Espagne)
-    Colectivo de Mujeres Refugiadas y Exiliadas en España (Espagne)
-    Conexx Europe (Belgique)
-    Cooperaccio (Espagne)
-    Cordaid (Pays Bas)
-    Fundación Mundubat-Mundubat Fundazioa – (Espagne)
-    Grupo Colombia – Kolumbiengruppe e.V (Allemagne)
-    IEPALA (Espagne)
-    Informationsgruppe Lateinamerika – Grupo de Información sobre América Latina* (IGLA), Viena, Autriche
-    Iniciativa Solidaria Internacionalista de Burgos (Espagne)
-    Intal  (Belgique)
-    Internationaler Versöhnungsbund Öster. Zweig  – Movimiento Internacional de Reconciliación (rama Autriche)
-    kolko – Menschenrechte für Kolumbien (Deutschland) o kolko – Derechos Humanos por Colombia (Allemagne)
-    Observatorio por la Autonomía y los Derechos de los Pueblos Indígenas en Colombia (Espagne)
-    Protection International
-    Soldepaz Pachakuti (Espagne)
-    Solidarité Socialiste (Belgique)
-    Swedish Fellowship of Reconciliation / SweFOR (Suède)
-    Transnational Institute – TNI  (Pays Bas)

Réseaux et Organisations en Colombie :

-    Alianza de Organizaciones Sociales y Afines por una Cooperación Internacional para la Paz y la Democracia en Colombia (réseau de 125 organisations – nombreuses d’entre elles regroupe déjà plusieurs organisation)
-    Asamblea Permanente de la Sociedad Civil por la Paz (réseau qui articule divers secteurs de la société et de régions colombiennes)
-    CLADEM, Comité latinoamericano y del Caribe para la defensa de los Derechos de las mujeres
-    Coordinación Colombia-Europa-Estados Unidos (une coalition de 221 organisations colombiennes)
-    Plataforma Colombiana de Derechos Humanos, Desarrollo y Democracia (réseau de plus de 100 organisations sociales, communautaires et non gouvernementales de Colombie)
-    Red Colombiana de Acción Frente al Libre Comercio y el Alca, Recalca
-    Asociación de campesinos de Ituango (ASCIT)
-    Asociación Campesina del Norte de Antioquia ASCNA
-    Asociación de Familias Unidas por un Solo Dolor – Afusodo
-    Asociación Sindical de Profesores Universitarios, Seccional Universidad de Nariño – Aspunar
-    Centro de Estudios del Trabajo, Cedetrabajo
-    Colombian Commission of Jurists, CCJ
-    Comité Permanente por la Defensa de los Derechos Humanos  Héctor Abad Gómez
-    Corporación para el Desarrollo Regional
-    Corporación Minga
-    Corporación Reiniciar
-    Corporación Yira Castro
-    Enda  América Latina-Colombia
-    Fundación Guagua
-    Fundación Nydia Erika Bautista
-    Fundación Sumapaz – Antioquia
-    ILSA: Instituto Latinoamericano para una sociedad y un derecho alternativos
-    Promopaz – Santander
-    Rostros & Huellas del Sentir Humano « Garifuna »
-    Sol y Tierra


Source : Protection-Online