mercredi 6 février 2013

Haïti, le criminel J-C Duvalier face à une justice délabrée

Dossier Jean-Claude Duvalier : 
ambiance surchauffée 
et désordonnée 
pour l’audience d’appel


Par Pascal Paradis
 
Le jeudi 31 janvier 2013, une partie de l’audience d’appel dans le dossier de Jean-Claude Duvalier a eu lieu au « palais de justice » de Port-au-Prince. Étant en mission dans le pays, j’ai pu y assister avec madame Melinda Madueno, la chef de mission d’ASFC en Haïti. J’ai mis l’expression « palais de justice » entre guillemets parce que le véritable Palais de justice de Port-au-Prince a été détruit lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010. 


Le tribunal est logé temporairement dans les anciens bureaux de USAID. L’édifice, généreusement mis à disposition par l’agence de coopération américaine, permet à tout le moins au tribunal de fonctionner, mais force est d’admettre qu’il sied peu à un cas historique comme celui de Jean-Claude Duvalier.

La petite salle dans laquelle étaient entassés pêle-mêle juges, magistrats, avocats, journalistes, observateurs et membres du public était littéralement surchauffée. Ce qui ajoutait au désordre dans lequel l’audience a eu lieu pendant près de trois heures avec moult échanges du tac au tac, interpellations personnelles et effets de toge.

Le dossier est actuellement en phase d’appel de l’ordonnance rendue le 27 janvier 2012 par le juge d’instruction Carvès Jean par laquelle, d’une part, il a renvoyé Jean-Claude Duvalier devant la juridiction correctionnelle pour procès relativement aux accusations de crimes économiques déposées par l’État mais, d’autre part, il a rejeté les plaintes d’un groupe de victimes du régime dictatorial pour violations des droits humains et crimes contre l’humanité.

Jean-Claude Duvalier en appelle du renvoi en juridiction correctionnelle pour crimes économiques alors que le groupe de victimes interjette appel du rejet de leurs plaintes pour violations des droits humains.

Malheureusement, le débat de jeudi dernier a essentiellement porté sur des questions techniques et procédurales. Ce qui est frustrant alors que les accusations de fond, pour les crimes économiques mais encore plus pour les crimes contre l’humanité, sont si graves.

Essentiellement, la première partie de l’audience a porté sur une demande de remise de la partie civile qui a été rejetée, puis la défense a remis en doute la conformité de l’appel des victimes de même que la validité de leur constitution en partie civile à ce stade de l’affaire. Des questions de dates et de signification au regard du Code d’instruction criminelle et de la Loi sur l’appel pénal ont aussi été discutées.

 

Le ministère public s’est généralement montré d’accord avec la défense. Il nous semble pourtant que le ministère public devrait avoir une certaine communauté d’intérêts avec la partie civile. Surtout lorsqu’il est question de permettre aux victimes de participer au débat de fond dans le respect des standards nationaux et internationaux en matière de procès équitable et de garanties judiciaires et dans l’intérêt supérieur de la justice.

En bout de ligne, la cour ne s’est pas prononcée sur les arguments des parties, soulevant en toute fin d’audience, sans que la question ait été mise sur la table jusqu’alors, le problème de l‘absence du prévenu. Elle a donc remis l’audience à la semaine prochaine en sommant monsieur Duvalier de comparaître en personne.

La suite le 7 février, donc. ASFC sera évidemment présente. 

Depuis le retour de Jean-Claude Duvalier en Haïti le 16 janvier 2011, ASFC collabore en effet avec le Collectif qui regroupe les victimes ayant déposé des plaintes contre l’ex dictateur pour les violations des droits humains commises sous son régime et les organisations de la société civile qui les accompagnent.