vendredi 15 février 2013

L'après Chavez, Y a-t-il encore un pilote dans l'avion ?

Hugo Chavez 
n'est plus 
aux commandes


Par Bruno Ripoche

S’il a redistribué l’argent du pétrole et fait reculer la pauvreté au Venezuela, le dirigeant socialiste lègue un système autocratique à ses successeurs. Problème : aucun n’est taillé pour le rôle. Entretien avec Alain Musset, géographe spécialiste de l’Amérique latine, directeur d'études à l'EHESS. 

Hospitalisé à Cuba depuis décembre, Hugo Chavez dirige-t-il toujours le Venezuela ?

Manifestement non, même si les multiples déplacements à Cuba de son entourage entretiennent la fiction. Chavez présent, c’était l’ébullition permanente à Caracas, avec des décrets, des annonces en direct à la télé… Aujourd’hui, rien. Le pays est en pilotage automatique. Personne n’a la légitimité ou le charisme de Chavez pour prendre le rôle du chef. En cas de grosse crise, ce serait problématique.

Ses héritiers potentiels n'ont pas le niveau ?

Ils se neutralisent. Le président de l’Assemblée, Diosdado Cabello, ancien militaire comme Chavez, aurait théoriquement dû assurer l’intérim, mais on a tordu la constitution pour le confier au vice-président Nicolas Maduro, un ancien conducteur de métro sans envergure : il ne fera pas d’ombre.


Ce qui est intéressant, c’est le retour sur l’avant-scène ces derniers temps du ministre des Affaires étrangères, le sociologue Elias Jaua. Il est l’idéologue, l’homme qui a donné un contenu politique au chavisme. Ce triumvirat a l’avantage de réunir les grandes tendances du Parti socialiste unifié Venezuela (Psuv).

 
Après 14 années au pouvoir, quel est le bilan de Chavez ?

Rappelons qu’il n’est pas arrivé au pouvoir par hasard! Le Venezuela, aux mains d’élites corrompues, était miné par des inégalités criantes. Les gens réclamaient un coup de balai. Chavez a dit « on change la donne » et il a tout fait exploser, avec un style, une méthode qui consistent à exacerber les clivages. Il laisse un pays très polarisé.

Qu’inscrivez-vous à son actif ?

La refondation du système politique : les élections sont libres, propres… et montrent qu’il a toujours un appui populaire. Ensuite, le changement social. Il y a toujours des inégalités, mais Chavez a relancé une réforme agraire et il a utilisé les bénéfices de PDVSA (la compagnie pétrolière nationale) pour mettre en place ses « missions » dans le secteur de la santé, de l’éducation ou encore les magasins d’État à tarifs subventionnés… Le taux de pauvreté, officiellement, a diminué de 72 %. On peut discuter le chiffre, mais la pauvreté a reculé, c’est incontestable.

Et au passif ?

L’autocratie : Chavez décide, point ! Le népotisme : sa famille et ses proches sont gouverneurs, directeurs d’offices publics et parapublics. La violence : la criminalité ne cesse de prospérer. 

L’instrumentation du religieux : comme l’ex-marxiste Ortega au Nicaragua, Chavez utilise le christ, la vierge et le diable pour justifier ses politiques auprès d’une population très pieuse. Plus inquiétant : il n’a pas jeté les bases de l’avenir en investissant en dehors du secteur pétrolier… Le Venezuela conserve une économie de rente. Si le cours du pétrole s’effondre, le pays s’effondre.

Comment se présente l’après-Chavez ?

Quand une présidentielle aura lieu, le candidat du PSUV sera élu. Parce qu’il bénéficiera de l’émotion suscitée par le retrait ou la disparition de Chavez. Et parce que l’adversaire n’est pas la hauteur : Henrique Capriles, battu lors de l’élection d’octobre 2012, n’était que le meilleur représentant d’une opposition médiocre et atomisée entre conservateurs, libéraux, sociaux démocrates… 

Ce qui est sûr, c’est que sans le charisme de Chavez, le Venezuela n’aura plus son rayonnement dans la région, ni la stature internationale obtenue en serrant les rangs avec l’Iran ou la Russie. Le Venezuela n’est pas une puissance. Mais avec Chavez, c’était une voix.


Photo en une : Le vice-président Nicolas Maduro en survêtement chaviste, lundi 4 février, à Caracas, lors d'une cérémonie marquant l'anniversaire du coup d'Etat manqué de Chavez en 1992.


Source : Globservateur