Par Raphael Tsavkko Garcia, traduction de Stephanie Camus
Le 4 octobre dernier, des centaines
d'étudiants et d'activistes se sont retrouvés sur la place Montevideo et
dans le square Glênio Peres à Porto Alegre pour manifester contre ce
qu’ils appellent la privatisation de l’espace public. Ils protestent contre l’interdiction faite aux acteurs de rues et à
la population en général d’utiliser le square pour des activités
artistiques ou des fêtes foraines, alors que Coca Cola a eu
l’autorisation d’utiliser cet espace pour y installer un “Tatu-bola”
géant (un armadillo en tenue de joueur de foot), symbolisant la
mascotte de la Coupe du monde de 2014. Porto Alegre est une des
principales villes à accueillir l’évènement.
Cette
photo est devenue emblématique des scènes de violence qui se sont
déroulées à Porto Alegre. Photo prise par Ramiro Furquim.
Marco Aurelio Weissheimer explique :
La municipalité a confié à Coca Cola
la tache de “s’occuper” du square Glênio Peres, une des zones les plus
traditionnelles du centre de la capitale, et, d’un point de vue
historique, un lieu de contestation sociale et de rassemblements
culturels et politiques. […]
Cette initiative n’est pas un cas isolé. Dautres espaces publics sont
confiés par Fortunati (maire de la ville) au secteur privé, comme c’est
le cas de l’auditorium Araújo Viana qui est maintenant géré par le
producteur Opus. Sous couvert de « la mise en place de la coupe du
monde », on invoque une soi-disant approche nationaliste tournée vers le
monde de l’entreprise pour justifier l’invasion de l’espace public de
la ville par le secteur privé ».
Les étudiants et les activistes ont tenté de détruire la mascotte,
tache qu'ils ont accomplie, et c'est là qu'ils ont été appréhendés avec
une grande violence par la brigade d'intervention, la police militaire
locale, au service du gouverneur de l'état.
Ramiro Furquim, Igor Natusch, Samir Oliveira et Felipe Prestes ont raconté par écrit les évènements dans le journal alternatif Sul 21.
Selon eux, les “manifestants étaient en train de danser, de chanter et
de scander des slogans contre le maire de la ville, José Fortunati
(PDT)” alors que “plus de 20 policiers municipaux surveillaient l'entrée
de l'hôtel de ville, et 19 militaires, regroupés dans quatre véhicules
et sur trois motos, défendaient la mascotte”.
Selon certains témoins, quelques manifestants auraient réussi à
franchir les barrières qui entouraient l'armadillo gonflable, et, une
fois près de la mascotte, auraient été attaqués par la brigade
d'intervention.
En plus des équipes de la police
municipale, 60 policiers issus des forces d'opérations spéciales du 9ème
bataillon de la police militaire ont été déployés pour défendre
l'armadillo. La police a eu recours à des bombes lacrymogènes, a utilisé
des munitions non létales et n'a pas hésité à jouer de la matraque
contre les manifestants.
Des articles établiraient que même les journalistes qui étaient présents n'ont pas été épargnés. Au moins trois d'entre eux, qui ont été identifiés grâce à leur badge, ont subis des attaques : un photographe de Zero Hora, un reporter de Correio do Povo ainsi qu'un autre travaillant pour Radio Guaíba.
Des articles établiraient que même les journalistes qui étaient présents n'ont pas été épargnés. Au moins trois d'entre eux, qui ont été identifiés grâce à leur badge, ont subis des attaques : un photographe de Zero Hora, un reporter de Correio do Povo ainsi qu'un autre travaillant pour Radio Guaíba.
Au moins 6 manifestants ont été arrêtés et entre 14 et 20 d'entre eux ont été blessés et hospitalisés. Le Blog do Prestes a raconté l'agression des journalistes et a même évoqué le cas d'un journaliste victime de racisme.
L'utilisateur de Youtube ciclodocs a publié une vidéo des images des agressions commises par la police :
Le Blog F2 Véia de Guerra a également publié des vidéos montrant la violence de la brigade d'intervention et les analyse de la manière suivante :
La société est tombée bien bas. Nous payons des impôts (et des sommes significatives) qui servent à rémunérer cette même police qui défend une poupée gonflable en plastique. Une poupée que le peuple n'a pas demandé à avoir, une poupée qui ne représente pas les aspirations du peuple. […]
La police frappe des êtres humains pour défendre une saleté d'entreprise multinationale, et elle justifie ses actes en prétendant que les gens s'en prennent à une propriété privée ; et non contente de battre des gens, elle va jusqu'à casser leurs téléphones portables et leurs appareils photo. Qui sont les vandales ? Qui sont les idiots ?
Dessins de Carlos Latuff, sous licence Creative Commons
Simone Schuck, qui écrit sur le blog Tensa Intensa, explique qu'elle est fatiguée de l'ambiance de violence et d'humiliation qui règne :
J'en ai assez de voir la police militaire défendre un armadillo en plastique qui symbolise tout le contraire de ce qui intéresse une ville comme Porto Alegre. C'est particulièrement humiliant, même pour les services publics. Je suis fatiguée de constater chaque jour, quand je sors de chez moi, que cette institution est basée sur la violence, le manque de démocratie et de respect.
Je suis fatiguée de voir des journalistes se faire tabasser alors qu'ils font leur travail. Quelle est la cause de tout cela ? Je suis fatiguée de voir qu'on répond à l'humiliation par l'humiliation.
Mais elle n'épargne pas les manifestants :
Mais je suis également fatiguée de voir toute sorte de manifestations inutiles, parce que certains ont la naïveté de penser qu'un slogan peut changer les choses, et parce que d'autres ont la bassesse de les utiliser dans leurs propre intérêts. Je suis fatiguée de voir des personnes profiter de questions importantes, qui doivent être discutées, pour de viles raisons politiques. A tout le monde ; je suis fatiguée de voir que l'on répand du sang pour un armadillo en plastique.
L'utilisatrice de Youtube, Samantha Torres, a publié d'autres images des scènes de violences policières impliquant des journaliste.
Certains manifestants ayant été accusés
d'avoir provoquer ou d'avoir eux-mêmes eu recours à la violence, Marco
Eurélio Weissheimer explique, sur le blog RS Urgente, que :
Même si certains manifestants sont allés trop loin, rien ne justifie ces images de violence, y compris les agressions subies par ceux qui les ont filmées (ce n'est d'ailleurs pas la première fois que ce genre de chose se produit).
Même si certains manifestants sont allés trop loin, rien ne justifie ces images de violence, y compris les agressions subies par ceux qui les ont filmées (ce n'est d'ailleurs pas la première fois que ce genre de chose se produit).
Montage sur une photo d'une scène de violence policière.
Photo prise par Ramiro Furquim/Sul21.com.br utilisée avec autorisation
Photo prise par Ramiro Furquim/Sul21.com.br utilisée avec autorisation
Et sur le blog Periscópio, Eduardo Nunes est dans le même état d'esprit :
Je suis personnellement opposé à
toute forme de violence contre la police. Cela a des répercussions
négatives (même si la cause est juste) et fait que la majorité de la
population, cette masse amorphe et apathique, prend partie contre les
manifestants.
Mais, dans le cas des évènements qui ont eu lieu au square Glênio
Peres, je pense que de cacher ou de taire les violences commises par les
autorités publiques et par une multi-nationale est également un acte de
vandalisme, un acte de violence. Penser que dynamiser à nouveau un
centre est synonyme de vider le square de ses visiteurs afin qu'une
société privée en profite est un acte grave de violence et doit être
dénoncé en tant que tel.
Mais quitte à faire un choix, je partirais du principe suivant : entre des mascottes gonflables et le peuple, je me range du côté du peuple. On ne verra jamais du sang couler d'une mascotte gonflable.
Mais quitte à faire un choix, je partirais du principe suivant : entre des mascottes gonflables et le peuple, je me range du côté du peuple. On ne verra jamais du sang couler d'une mascotte gonflable.
Le 7 octobre, le gouverneur du Rio Grande do Sul, Tarso Genro, responsable de la brigade d'intervention de l'état, a rédigé une note dans laquelle il condamne ces violences policières. Le jour suivant, la brigade d'intervention a reconnu avoir commis des “excès”.
Source : crédits photos et article de Global Voices