Brésil :
Conheça Sany Kalapalo,
jeune Amérindienne du Xingu
Entretien avec Sany Kalapalo
par João Miguel D. de A.
Lima, traduction de Gabrielle
Motta-Passajou
Dans cet entretien, divisé en deux parties, nous faisons
la connaissance de Sany Kalapalo, une jeune militante amérindienne du Haut Xingu,
dans l’Etat brésilien du Mato Grosso. Agée de 22 ans à peine, Sany est l’une
des organisatrices de la mobilisation contre la construction controversée de
l’usine hydroélectrique de Belo Monte dans la région de Volta Grande do Xingu,
dans l’Etat du Pará.
Qui est Sany Kalapalo et que fait-elle?
Je m’appelle Sany, je suis une amérindienne du haut Xingu, dans
l’état du Mato Grosso. J’appartiens à l’ethnie des Kalapalo par mon père, et à
celle des Aweti par ma mère : c’est pourquoi mon nom est en réalité Sany
Aweti Kalapalo, réduit à mon nom d’usage Kalapalo.
J’habite à São Paulo avec une partie de ma famille et nous
faisons un échange culturel. Pendant les vacances nous allons toujours au Xingu
pour rendre visite à notre famille. Je suis étudiante et je milite pour la défense de
l’environnement et des peuples "indigènes".
Comment vous êtes-vous engagée dans la lutte contre
l’usine Belo Monte?
En mars de 2011, j’ai organisé avec l’aide de Miryám Hess,
mon amie et sœur d’armes, la première manifestation contre l’usine de
Belo Monte à São Paulo. Ce fut un véritable échec ; seulement 12 personnes
sont venues se joindre à nous. Après cette première tentative, nous avons fait
beaucoup plus de publicité dans les rues, et renforcé notre présence sur
l’Internet.
C’est ainsi que nous avons réussi à toucher un plus large
public dans la plus grande ville du Brésil. Pour mieux faire, j’ai dû vaincre
ma peur devant la caméra, et je me suis présentée personnellement à
quelques-unes des chaînes de télévision sur Internet, comme JustTV, TV Orkut, en plus des interviews filmées
faites pendant les manifestations. À partir de là, j’ai participé à plusieurs
rencontres sur l’environnement, et également au sommet de Rio 20.
Actuellement, votre contact avec les peuples indigènes du
Xingu et le suivi de la construction de l’usine se fait à distance ou sur
place?
Voilà déjà neuf ans que ma famille et moi habitons à São
Paulo, quelques uns de mes frères sont arrivés il n’y a pas longtemps. Nous ne
restons pas toujours à São Paulo, pendant les vacances nous allons au Xingu
pour visiter notre famille et notre mère.
Je suis en contact direct avec mon peuple quand j’y vais en
personne, ou par téléphone ou par Internet. J’essaie toujours d’être au courant
de ce qui se passe là-bas. J’obtiens mes informations à travers les leaders
locaux, car le Xingu est une région très grande, divisée en trois parties: le
Haut Xingu, le Xingu du Centre, et le Bas Xingu.
La mobilisation contre l’usine a gagné les rues de
quelques villes brésiliennes et une place importante sur l’Internet. De quelle
façon les réseaux sociaux et les outils virtuels ont-ils contribué à renforcer
le mouvement?
L’internet est un outil super important pour mobiliser les
gens, vu que les médias ignorent et manipulent les informations sur la
construction de cette usine monstrueuse!
Par exemple, au mois de février de 2011 j’ai créé ma propre
page sur Facebook pour dénoncer Belo Monte. Au bout de trois mois, cinq mille
personnes avaient déjà visité ma page et lu les commentaires à la fois très
durs et sincères que j’avais publiés.
Beaucoup de gens qui n’avaient jamais entendu parler de
cette méga-usine ont été mis au courant, et nombre d’entre eux ont commencé à
militer pour la protection de la rivière Xingu. C’est ensemble que nous avons
commencé à organiser de grandes manifestations.
En 2011, vous avez créé un compte Twitter (@sanykalapalo)
et un blog personnel, et en
2012, unechaîne Youtube. Comment utilisez-vous et vous appropriez-vous ces pages?
J’ai un compte Twitter depuis l’année dernière, mais je ne
l’ai jamais utilisé, parce que je ne sais pas bien m’en servir ; mais je
m’y mets petit à petit [sourire]. J’ai aussi créé le blog l’année dernière dont
je ne me sers pas beaucoup faute de temps ; mais je suis tous les jours
sur Facebook. Je pense que les réseaux sociaux aident beaucoup à communiquer
tout et n’importe quoi, et ils m’aident à divulguer la culture amérindienne et mon
militantisme.
Dès qu’on va sur votre blog, on peut lire « aimée
par les uns, détestée par les autres » ; c’est un peu intrigant, non?
A quoi faites-vous allusion et qu’est ce qui affecte votre réputation?
« Aimée par les uns, détestée par les autres ».
Oui, en effet, c’est ce que j’ai écrit parce que je vois que certains m’aiment
bien et m’accompagnent dans mon militantisme, et d’autres, m’insultent. Mon
militantisme les dérange ; ils ont même tenté de pirater certaines de mes
pages sur les réseaux sociaux.
Vous êtes une jeune amérindienne, mais vous êtes très
militante ; vous avez d’ailleurs créé l’association Mouvement des "indigènes"
en action qui a une page sur l'Internet. Est-ce que d’autres jeunes amérindiens ont également utilisé
l’Internet comme plateforme d’expression et de lutte ?
Je me bats pour mon peuple et pour l’environnement avec
passion. J’ai décidé de suivre la voie de mon grand-père qui était un grand
guerrier Xingu. C’était un guerrier de la paix et je suis très fière d’être sa
petite-fille. J’ai créé le Mouvement des "indigènes" en action au mois de mars de
2011.
Mon but était de dire au monde entier que le peuple indigène n’appartient
pas au passé, mais que nous existons toujours et que voulons que nos droits
soient respectés. J’ai aussi créé la campagne Fierté "indigène" et j’ai même reçu
quelques prix pour ce projet. Je suis actuellement présidente fondatrice de
Mouvement des indigènes en action, et nous aurons bientôt un bureau ici même à
São Paulo. Je sais que j’ai inspiré quelques jeunes amérindiens qui sont
eux-mêmes venus me le dire. C’est très encourageant, ils sont de plus en plus
nombreux à participer à la politique liée à nos droits.
Après avoir pris quelques cours universitaires, Sany a
décidé de s’inscrire aux cours de préparation à l’examen d’entrée de la Faculté
de Lettres de l’Université de São Paulo. Elle veut devenir écrivaine pour
pouvoir diffuser la culture indigène à un plus large public. Au mois d’octobre,
nous allons publier la deuxième partie de cette interview, dans laquelle Sany
nous parle des usines hydroélectriques, du développement, des peuples "indigènes"
et de l’Internet.
Cet article fait partie de notre couverture spéciale
Dossier Belo Monte. [en portugais]
Source : Global Voices