dimanche 14 octobre 2012

Haïti, un documentaire sur le mouvement syndical

Un film pour contribuer 
à faire connaitre 
le mouvement syndical paysan et ouvrier

Par Edner Fils Décime

 « Ann Kore Moun (supportons l’humain) » est le titre d’un documentaire de 36 minutes réalisé par André Vanasse, cinéaste québécois, qui donne la parole à des leaders d’organisations paysannes, de syndicats et d’organisations de la société civile haïtienne  (la vidéo du film ci-après).


Mettant en exergue « l’importance de l’action collective et la présence forte de la société civile dans le débat social », il a été projeté pour la première fois le 4 octobre 2012 à Port-au-Prince. Prétexte : la journée mondiale pour le travail décent le 7 octobre.

A juste titre, il est sous-titré « « l’action collective : une force pour le développement » qui se rend en créole par « Solidarite se chimen devlopman ».

Jean-Nathan Aristil, un militant syndicaliste de la Fédération des syndicats des travailleurs et travailleuses d’Électricité d’Haïti (Festredh) a assisté Vanasse dans la réalisation de ce « matériel d’éducation populaire ».

Il est dédié à la mémoire de Frito Merisier, coordonnateur (2008 à avril 2012) de la Plateforme nationale des producteurs de café d’Haïti (Pnpch) qui a défendu, dans le film, l’idée d’un encadrement efficace du travail paysan et une répartition équitable de la richesse nationale. 

 ANN KORE MOUN -"Supportons l’humain"

 Sous-titres en français


Un documentaire de 36 minutes d'André Vanasse
 

« Asthmatique, il ne serait pas mort si les services d’urgence des hôpitaux de service public étaient à point », lit-on dans une dédicace à la fin du film.

Parmi les organisations ayant financé la réalisation du film on retrouve entre autres la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, le Fonds humanitaire du syndicat des Métallos, le Syndicat canadien de la fonction publique et la Centrale des syndicats du Québec.

Des figures connues de la société civile haïtienne dont Dukens Raphaël, alors secrétaire général de la confédération des travailleurs des secteurs public et privé en Haïti (Ctsp, 2009- août 2012), Edith Joseph Delouis de la confédération nationale des éducatrices et éducateurs d’Haïti (Cneh) apparaissent dans le documentaire.

Sans narration, le réalisateur alterne sous les yeux du spectateur des images prises à travers le pays avec un fond musical s’apparentant à un mix de disc jockey ou d’un compas et des entrevues de personnalités du mouvement associatif haïtien.

D’une pile d’immondices, d’un spectacle du commerce informel, d’une manifestation de rues d’employés victimes d’abus à Port-au-Prince en passant par les visages enjoués de paysans participant à une animation d’une association pour aboutir aux images frappantes de la zone franche Codevi de Ouanaminthe.

« Cela m’a pris 6 semaines en Haïti pour prendre les images et trois mois pour le montage » déclare le réalisateur à AlterPresse, qui croit qu’il n’a fait que son « métier de faire des films avec des syndicats et des organisations populaires ».

Vanasse a connu le milieu syndical haïtien par l’entremise de syndicats québécois. Cela fait 7 années aujourd’hui.


Que dit le film documentaire ? 


Les premières paroles du film font l’éloge de la « richesse humaine d’Haïti » et comprennent la « pauvreté du pays » par la mauvaise utilisation de ses hommes et ses femmes.

La misère crasseuse qui côtoie l’opulente richesse dans la même spatio-temporalité haïtienne l’exploitation outrancière de la classe travailleuse, le travail décent, la nécessité socio-historique de s’organiser, la forte dynamique de la société civile comme frein à la dictature, sont évoqués par les interviewés du documentaire.

« Un syndicat a pour mission première d’œuvrer pour l’accès à un travail décent et durable » explique Noismond Jean Franck de la Centrale syndicale haïtienne (Csh).

A suivre le déroulement des séquences du film, le travail décent peut se résumer entre autres, à un bon salaire permettant au travailleur et à la travailleuse de se reproduire, des avantages sociaux, une protection sociale et la liberté de se syndiquer.

Mais pour y avoir accès les organisations peuvent utiliser plusieurs moyens de pression dont « manifestations de rues, grèves, sit-in, colloques, plaidoiries », explique Arnold Antonin du Centre Petion Bolivar.

Comme pour montrer cette force de l’action collective des travailleurs et travailleuses, le documentaire revient sur les images du procès ayant opposé le syndicat de la mairie de Port-au-Prince au maire d’alors, Yves Muscadin Jason, sur la question des arriérés salaires.

Le Syndicat a eu gain de cause puisque la cour supérieur des comptes et du contentieux administratif (Csc/ca) a exigé a la municipalité de la capitale de verser leur du aux travailleurs et travailleuses.

Mais aucun syndicat ne sera fort ni efficace s’il fait ombrage du « rapport dialectique entre l’assemblée des travailleurs et des travailleuses et le staff dirigeant » souligne Yannick Etienne de Batay Ouvriye (Lutte ouvrière, en français).

Les différentes organisations de la société civile jouent un rôle fondamental dans « l’apport du développement dans les communautés en termes de routes, de centre de santé, de constructions d’écoles » selon Frito Merisier.

Il y a lieu tout de même de se demander si le développement peut se réduire uniquement à quelques petits projets financés par des bailleurs étrangers et implantés par des organisations locales ? En quoi ces projets participent-ils au bien-être des travailleurs et travailleuses ?

Perspectives 
 

« Toutes les organisations qui ont participé à la réalisation du film ont reçu une copie qu’elles promettent de multiplier afin d’effectuer des séances de formation à l’intention de leurs membres et des communautés dans lesquelles elles s’établissent » informe le réalisateur Vanasse à AlterPresse.

Deux institutions se spécialisant dans le plaidoyer et l’animation sociale en milieu associatif vont utiliser le film documentaire-ressource dans leur travail. Ce sont la plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda, en créole) et l’Institut culturel Karl Levêque (Ickl).

En somme, non seulement ce film a permis aux acteurs de mettre en évidence l’importance du mouvement associatif dans le creuset de la société civile haïtienne mais constitue une réplique à la fameuse phrase des patrons « il faut créer la richesse avant de la distribuer ».

« Il faut aussi distribuer la richesse pour la créer c’est-à-dire investir dans l’humain et dans l’accès aux services publics. Ce qui amènera une augmentation simultanée de la productivité générale et de la richesse », comprend le réalisateur Vanasse. Redistribuer la richesse nationale pour aboutir à « un vivre ensemble où misère et richesse ne feront plus bon ménage » est donc une nécessité.