lundi 1 octobre 2012

Venezuela, le peuple Yanomani fait appel à la Constitution

Les amérindiens Yanomami
demandent au Venezuela
d'agir contre les orpailleurs 

 DÉCLARATION DE L'ORGANISATION YANOMAMI HORONAMI 
sur la présence d’orpailleurs clandestins 
dans le Haut-Ocamo au Venezuela


Les amérindiens Yanomami représentés par l'organisation Yanomami-Horonami et réunis à Puerto Ayacucho, ont fait la déclaration suivante au sujet de la présence de l'exploitation minière illégale dans le Haut-Ocamo, municipalité du haut-Orénoque :


1 - Notre organisation Yanomami a pour objectif général de "protéger et défendre le peuple Yanomami sur ses terres ancestrales et traditionnelles, conformément aux droits des peuples autochtones reconnus par la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela". 

Tous les membres de l'organisation Horonami ont prêté serment pour se conformer à cet objectif.

2 -  Nous reconnaissons les efforts déployés par les organes de l'État vénézuélien, particulièrement les forces armées nationales bolivariennes, le ministère public et la CICPC [Corps d’investigation scientifique, pénale et criminelle, l’équivalent vénézuélien du FBI], qui se sont déplacés vers le cours supérieur et les collines du Haut-Ocamo, parcourant la zone durant 5 jours en compagnie de représentants de l’organisation Horonami.

3 -  Nous estimons essentiel que la commission d'organismes d'État qui s’est rendue dans le secteur publie un rapport sur les résultats de l'enquête qui a conduit à rejeter la plainte déposée par les Yanomami. 

Nous, en tant que représentants de l’organisation Horonami, avons déjà soumis un rapport aux autorités compétentes (procureur général, ombudsman, 52e Brigade d'infanterie de la forêt et Commission des peuples indigènes de l'Assemblée nationale), demandant l’ouverture d'une enquête sur la présence et les impacts de l'exploitation minière illégale dans la région du Haut-Ocamo et l'adoption des mesures nécessaires par les organismes de l'État vénézuélien.

4 -  Bien que les preuves d’un massacre dans la région n’aient pu être réunies, ce qui pour nous est un motif de joie, nous voulons faire savoir à l’opinion publique qu'il y a depuis des années une forte présence d’orpailleurs clandestins en provenance du Brésil dans la zone du Haut-Ocamo. 

A travers les médias il a été dit que ‘rien’ ne se passe dans le Haut-Ocamo, que tout est calme et que les gens y sont heureux.

Nous, les Yanomami de Horonami qui faisions partie de la commission, avons vu les campements des orpailleurs clandestins illégaux, nous avons vu passer une avionnette, nous avons vu une piste d'atterrissage clandestine, nous avons vu des orpailleurs s’enfuir dans la forêt pour nous éviter. 


Nous avons les preuves de ce que nous avançons. 


Les membres des forces armées, du procureur et de la CICPC, qui faisaient partie de la commission, en ont également été témoins.

5 -  Il est aisé de penser que les Yanomami et leur organisation Horonami mentent puisque la commission n'a trouvé aucune trace de massacre d’Indiens Yanomami. 

Les nouvelles qui ont été diffusées sur des actes violents ne sont pas des mensonges, mais le signe révélateur des nombreux conflits qui ont lieu dans le Haut-Ocamo.

Le véritable mensonge est de prétendre que tout va bien dans cette région.

6 -  Nous ne voulons ni chercher querelle à notre président Hugo Chavez, ni manipuler quoi que ce soit en période d’élections. 

Nous devons faire apparaître la vérité et notre seule motivation est de défendre notre peuple, notre habitat et notre territoire qui est pillé et pollué.

Nous demandons le respect du gouvernement vénézuélien pour notre organisation Horonami et nous nous mettons à l'entière disposition des organismes gouvernementaux pour collaborer avec eux.

Nous rejetons les tentatives de la ministre Nicia Maldonado de diviser notre organisation et répudions les médias et autres qui ont manipulé l'information à des fins politiques, en essayant d'établir des liens entre nous et les acteurs de l'opposition, exploitant cette grave situation à des fins électoralistes.



7 -  Nous reconnaissons les efforts déployés par les forces armées bolivariennes en 2009, 2010, 2011 et 2012 pour répondre aux appels des Yanomami et de leur organisation Horonami en réponse à la présence des orpailleurs clandestins.

Nous avons également eu connaissance des récents efforts de l'Etat brésilien à travers l'opération Xawara pour expulser les orpailleurs clandestins.

Mais il nous faut insister sur la nécessité de prendre des mesures permanentes et coordonnées entre le Brésil et le Venezuela pour contrôler la présence massive et préjudiciable d’orpailleurs clandestins qui pénètrent depuis plusieurs années au Venezuela, notre pays, en provenance du Brésil, constituant une grave menace pour l'intégrité et la vie du peuple Yanomami.

8 -  Nous voulons faire savoir que lorsque les orpailleurs clandestins vivent à proximité des communautés yanomami, ils menacent les gens pour qu’ils ne disent rien aux autorités lorsqu’on les interroge sur la présence de campements miniers.

C'est pourquoi une visite rapide, par des autorités que les Yanomami ne connaissent pas, ne peut qu’échouer à obtenir des plaintes spontanées de leur part.

Quand nous y sommes allés avec la commission, nous, les représentants de Horonami, sommes restés toute la nuit à parler avec les Yanomami de la communauté pendant que les fonctionnaires et les militaires dormaient.

A nous, les Yanomami ont donné des informations détaillées sur la présence des orpailleurs clandestins.

9 -  Même si l’information sur les événements violents n’a pas été confirmée, la présence abondante d’orpailleurs clandestins dans la région depuis plusieurs années engendre constamment des conflits avec les Yanomami qui, de plus, divisent nos communautés et nuisent à nos familles.

Ce sont de tels conflits qui ont pu être à l’origine de la nouvelle d’un massacre et d'abus de toutes sortes. Nous ne pouvons pas exclure, dans l'état actuel de l’enquête, que des meurtres, des menaces et des abus de toutes sortes à l’encontre des Yanomami ne se produisent pas dans les zones visitées.

Au contraire, dans le contexte général de la région, tout indique qu'il y a un conflit installé entre les orpailleurs et les communautés du Haut-Ocamo.

10 - Il est également bien connu que la présence d’orpailleurs clandestins dans les territoires yanomami a de lourdes conséquences sur la santé : transmission du paludisme, de maladies vénériennes, pollution au mercure et autres.

Lors de la visite de la zone nous avons rencontré des communautés qui souffraient de graves problèmes de santé nécessitant des soins médicaux urgents.

11 -  La dégradation de l'habitat, dont dépendent les Yanomami pour s’alimenter, boire et vivre, est aussi une conséquence de la présence d’orpailleurs clandestins, de leurs machines et de la pollution au mercure.

12 -  S’il n’y avait pas d’orpailleurs dans la région qui menacent et exploitent les Yanomami, qui détruisent l’environnement, ce genre de nouvelles ne serait pas parvenu à nos oreilles. 

Les Yanomami de ces régions reculées sont à la merci des orpailleurs. Nous ne pouvons pas dire que les nouvelles parvenues aux médias sont ‘une affabulation des Yanomami’ ou ‘une affabulation de l’organisation Horonami’ ou encore ‘une affabulation des organisations indigènes d’Amazonie’.

Dans un contexte aussi conflictuel, ce genre de nouvelle doit être pris très au sérieux.

Nous avons encore très présent dans notre mémoire le souvenir du massacre de Haximu en 1993.
Ce ne sont pas des mensonges, mais des signes évidents du conflit qui secoue notre région.

13 - Nous vous demandons de poursuivre le contrôle permanent et soutenu de la région afin de démanteler définitivement les campements miniers illégaux dans le Haut-Ocamo et d'autres régions du Haut-Orénoque, comme Haximu, Cerro Delgado Chalbaud et Rio Siapa, entre autres. Cet effort doit être partagé entre les forces armées bolivariennes et les Yanomami de notre organisation Horonami qui connaissent bien notre peuple et notre territoire.

14 - Nous demandons un programme de santé qui soit permanent et efficace pour la zone du Haut-Ocamo. 

Un tel programme, qui va de pair avec la formation d’agents de santé yanomami issus des communautés elles-mêmes et l'installation de systèmes de communication radiophonique, sont essentiels pour améliorer la santé et prévenir les récidives d’orpailleurs clandestins dans la région.

15 -  Compte-tenu de la gravité du problème, nous demandons que soient menées avec plus de calme et de rigueur des recherches plus approfondies sur d'éventuels actes de violence et autres violations potentielles des orpailleurs clandestins dans la région du Haut-Ocamo avec la participation des Yanomami de l’organisation Horonami, en prenant tout le temps nécessaire et en tenant compte de la spécificité culturelle du peuple yanomami.
16 -  Nous voulons que les médias se reportent exclusivement à ce document, nous ne ne ferons pas d’autres déclarations.

Le peuple et les communautés yanomami continuent de se battre pour défendre notre habitat et notre terre.

Si nous ne le faisons pas, que laisserons-nous à nos petits-enfants?

L’organisation yanomami HORONAMI Itirio Hoariwë (vice-président) Luis Shatiwë (secrétaire exécutif) Acayajuana Silva (coordinateur du secteur Parima B) Ciro Borges (administrateur) Virginio Posiewë (coordinateur du secteur Orénoque) Miguel Medina (représentant koyowë)



Ce qu'en disent un anthropologue français 
et le directeur de Survival International

Selon Bruce Albert, anthropologue français travaillant avec les Yanomami depuis les années 1970 : 

"Réduire ce supposé massacre à de simples rumeurs revient à nier la gravité évidente de la situation. Les histoires yanomami comme celle-ci ne sont pas que des inventions, mais plutôt une réflexion sur de profondes angoisses et des tensions fondées sur des faits réels. La seule manière de découvrir la vérité est de mener une enquête approfondie et non d’effectuer de brèves visites de quelques hameaux. Cela prendra du temps".

Courant septembre, Survival avait été accusée de s’être ‘rétractée’ le directeur de Survival International avait reconnu que le hameau d’Irotatheri n’avait pas été détruit, comme il l’avait été craint. Stephen Corry, s’est expliqué  dans un document ci-après (1) et contestant l’attitude du gouvernement vénézuélien, déclarant : "Les autorités sont allées trop loin en prétendant que tout allait bien.(...) "le gouvernement vénézuélien doit cesser de prétendre que tout va bien, il doit expulser les orpailleurs et assurer la protection de ses propres citoyens".



Notes :  

(1) Lire les "Questions-réponses" de Stephen Corry

Télécharger la déclaration de Yanomami Horonami en français et en castillan



Source : la présente déclaration a été rédigée le 25/09/1012