mardi 12 mars 2013

Argentine, crimes contre l’humanité : 5 tortionnaires condamnés

Deux procès 
 contre l’ancienne dictature :  

Le procès du camp de la mort
 « Campo de Mayo » 
 et le procès de « l’opération Condor »


Par Libres Amériques

Lors d’un procès qui s'est tenu à Buenos-Aires, le 12 mars 2013, cinq tortionnaires argentins accusés d'avoir commis des crimes contre l'humanité au détriment de 20 victimes détenues à « Campo de Mayo » au cours de la dernière dictature militaire, ont été condamnés à la prison à perpétuité. Dans le même temps s’est ouvert le procès de « l’opération Condor » (1), ou l’on retrouve sur le siège des accusés, l’ancien dictateur Jorge Videla et 24 autres supposés complices.

Le jugement des tortionnaires du « Campo de Mayo »

La peine a été prononcée par une cour de justice de la capitale argentine (Tribunal Oral en lo Criminal Federal No.1) contre l’ancien. Gouverneur, Reynaldo Benito Bignone et l'ancien commandant de l’Institut militaire de Santiago, Omar Riveros. 

De même, José Carlos Somoza a été reconnu coupable et condamné à 25 ans de prison, ainsi qu’Hugo Castagno et Julio San Roman à 20 ans de prison, Eugenio Guarañabens (16 ans), Carlos Hidalgo (15 ans) et Maria Francisca Morillo (12 ans). La lecture de tous les attendus de la sentence aura lieu le 14 mai prochain.

Le camp de concentration et de torture « Campo de Mayo »

« Campo de Mayo » a été l'un des plus grands centres de détention clandestins de Buenos Aires, et l'on estime qu'il y est passé environ quatre mille personnes. Dans ses installations fonctionnèrent une maternité clandestine connue sous le nom d’El Campito et 3 trois centres de détention arbitraires.

Ouverture du procès de "l’opération Condor" (1)

L'opération Condor est une opération clandestine transnationale. Organisée par les régimes militaires d'Amérique du Sud, avec le support tacite des États-Unis, elle vise à l'élimination de personnes jugées «subversives». Des centaines d'entre elles, spécialement ciblées, seront torturées, assassinées ou portées disparues.

Le verdict du procès des crimes commis contre l'humanité à Campo de Mayo, a été prononcé au moment, où débute le procès des 25 tortionnaires accusés dans l'opération Condor.

Dans les requêtes préliminaires présentées par le Procureur général, l'ancien dictateur Jorge Rafael Videla et l’ancien Gouverneur Bignone sont désignés et entendus comme accusés, dans le cadre d'une association illicite, dédiée à la disparition forcée de personnes, comme entre autres crimes. Le Ministère publique  a précisé que cette structure trouva son origine dans la dictature militaire ayant pris le pouvoir en mars 1976 et souligne que l'objectif du projet macabre était l’élimination systématique des opposants politiques, même si ensuite son application a été étendue à d'autres domaines.

Pour mener à bien cette opération a été utilisée, non seulement les structures formelles de l'Armée, de la Marine et du Commandement aéronautique, mais aussi le ministère de l'Intérieur, la police fédérale, la Gendarmerie Nationale, la Garde côtière et le Service pénitentiaire fédéral.

Au cours du procès de l'Opération Condor se présentera 500 témoins, de sorte que l'on estime que les débats dureront au moins deux ans. Les 25 accusés devront répondre, à plus de 220 cas de violations présumées des droits de l'homme et de crimes, comme l’association illicite et la privation illégale de liberté.


L'opération Condor en Argentine




Note :

(1) 28 novembre 1975 - 
Déclenchement de l'opération Condor (source Université de Sherbrooke)

L'opération Condor s'inscrit dans le contexte de la Guerre froide et de la sale guerre menée par les régimes militaires d'Amérique latine avec l'appui des services secrets et du gouvernement américain. Elle fait partie d'une campagne de répression qui fera plus de 50 000 tués et 35 000 disparus entre 1975 et 1983.

Ses dessous seront révélés en 1992, avec la découverte de ses archives secrètes au Paraguay.

L'opération Condor voit le jour dans la foulée du coup d'État de 1973 au Chili. Dès mars 1974, des représentants des polices du Chili, de la Bolivie, de l'Argentine et de l'Uruguay se rencontrent afin de collaborer à la destruction des foyers subversifs.

En septembre, la police secrète chilienne, avec l'aide de la police argentine, organise l'assassinat à Buenos Aires du général chilien en exil Carlos Prats, considéré comme une menace par le président Augusto Pinochet. À l'été 1975, 119 membres des partis de gauche chiliens sont éliminés.

En novembre 1975, les services secrets de six régimes autoritaires (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Paraguay, Uruguay), ainsi que ceux du Pérou et du Venezuela, à un moindre degré, lancent l'opération Condor qui a trois volets :

1 - coopération pour la surveillance de certaines personnes avec création d'une base de données communes et échange d'informations;

2 - opération transfrontalière pour enlever, interroger et faire disparaître des adversaires;

3 - création d'une équipe spéciale pour assassinats ciblés.

Parmi les victimes de l'opération Condor, on retrouve Orlanto Letelier, un ancien ministre des Affaires étrangères du Chili, ainsi que l'ex-président bolivien Juan José Torres. Des prêtres, des étudiants et des enseignants jugés subversifs seront aussi tués avant que l'opération ne cesse avec la fin de la dictature argentine, en 1983.