journalistes et défenseurs des
droits humains stigmatisés
par la police et l’armée
Par RSF
Le Comité des familles de détenus disparus au Honduras
(Cofadeh) a informé Reporters sans frontières des très graves accusations
formulées, le 18 février 2013, par le commandant de la Force d’intervention
militaire conjointe Xatruch contre plusieurs journalistes, défenseurs des
droits humains et représentants des mouvements sociaux informant des événements
survenus dans la région militarisée du Bas Aguán. (1)
L’organisation voit dans cette initiative une claire manœuvre
d’intimidation et de censure, et craint pour la vie de personnes engagées au
service de l’information dans un contexte particulièrement dangereux.
Au cours d’une conférence de presse, le colonel Germán
Antonio Alfaro Escalante a nommément accusé le journaliste Marvin Palacios, membre du Cofadeh, Wilfredo Paz, porte-parole de l’Observatoire permanent
international des droits de l’homme dans l’Aguán, Vitalino Alvarez et Yony Rivas, dirigeants du Mouvement paysan unifié de l’Aguán (MUCA) – locuteurs
réguliers des radios communautaires locales – ainsi que le Comité pour la
défense des droits de l’homme au Honduras (Codeh), de “dénigrer les actions des
forces armées” et de “salir l’image de la nation hondurienne”.
Le communiqué produit par le haut gradé accuse des mêmes
griefs d’autres personnes “qui se dissimulent sous l’anonymat”. Les portails
d’informations defensoresenlinea.com (journal en ligne du Cofadeh),
voselsoberano.com et hondurastierralibre.com sont également ciblés.
“Cette forme de stigmatisation publique expose directement
les intéressés à des risques importants, compte tenu de la situation des droits
humains dans l’Aguán et, plus largement, au Honduras, où la criminalisation est
systématique envers ceux qui osent informer des conflits agraires et environnementaux.
Le gouvernement se doit d’expliquer à quel titre un haut
gradé militaire, censément soumis à l’autorité du pouvoir politique, a pris
cette initiative. Il y a là un vrai péril pour la liberté d’informer, dont les
instances internationales et interaméricaines doivent être saisies”, a déclaré
Reporters sans frontières, qui rappelle que le Honduras compte 30 journalistes
assassinés depuis une décennie, dont 25 depuis le coup d’État du 28 juin 2009.
L’organisation attend toujours la réponse gouvernementale à
ses demandes de protection adaptée en faveur de journalistes ou défenseurs des droits de
l’homme dont elle a plaidé la cause.
La Force d’intervention Xatruch compte plus de 500
militaires et policiers dont l’objectif est de “conduire des opérations de
stabilisation dans le département de Colón”. “Dans le respect des droits
humains et de la dignité de la personne”, selon les dires du commandant, afin
de garantir “le respect de la propriété privée” en ce qui concerne les terres
agricoles.
“Ce communiqué est une insulte à tous ceux qui dénoncent les
violations des droits humains et subissent eux-mêmes les menaces récurrentes de
la part des forces armées. Ces militaires et policiers ne font rien pour
arrêter les exactions des milices des propriétaires terriens qui nous
persécutent”, a confié à Reporters sans frontières Vitalino Alvarez.
“C’est un
acte de censure caractérisé. Et la menace concerne même les grands médias,
comme El Heraldo, à la moindre
information publiée sur la situation dans l’Aguán”, a poursuivi le porte-parole
du MUCA, qui nous précise qu’une conférence de presse mobilisant les
organisations concernées doit avoir lieu ce 21 février dans la capitale,
Tegucigalpa.
Le 19 février 2013, le Cofadeh a répliqué en dénonçant la
“militarisation du pays”, à travers la présence des forces armées dans les rues
ou au sein des institutions, l’analysant comme une “stratégie d’annihilation
des demandes et des réclamations citoyennes”. Le communiqué du Cofadeh dénonce
également l’usage des armes, des bombes lacrymogènes, de la torture, des
détentions, ainsi que la criminalisation des luttes sociales et les attaques
contre la presse par l’unité militaire Xatruch.
Le danger lié à la couverture informative des conflits agraires
et environnementaux est également attesté par les menaces policières proférées,
le 18 février, contre Isaac Leonardo Guevara Amaya, correspondant de Radio Progreso à
Tela (Nord) et fondateur de la radio communautaire Exclusiva. D’après le Comité pour la libre expression
(C-Libre, organisation partenaire de Reporters sans frontières), le journaliste
est connu pour rendre compte de la contestation contre les projets d’extraction
minière à ciel ouvert, sur le littoral Atlantique.
Reporters sans frontières réitère son appel à la protection en faveur des journalistes de Radio Progreso.
L’assassinat, le 14 juillet 2011, de son correspondant Nery Jeremía Orellana, directeur de la radio Joconguera à Candelaria (Ouest), reste à ce jour impuni.
Les conflits agraires, miniers et environnementaux figurent
parmi les principaux contextes d’atteintes graves à la liberté d’informer dans
toute l’Amérique latine.
Note :
(1) La terreur continue contre le collectif “Journalistes
pour la vie”, un porte-parole communautaire abattu dans l’Aguán, cliquez ici !
Source : article et photos de Reporters sans frontières