contre la construction d'un barrage
sur le fleuve Ene
Par Icra International
10.000
Amérindiens « Ashaninka » sont menacés par la construction programmée
d’un barrage hydroélectrique géant à Pakitzapango, sur le fleuve Ene. Vous
pouvez les soutenir en signant la pétition lancée par les étudiants de
l’Institut de géographie de Paris (en bas de page). Plus de 100.000 hectares de
forêt primaire seraient noyés, provoquant l’émission d’environ 900 mille tonnes
de gaz à effet de serre.
Ruth
Buendia Metoquiari, présidente de leur organisation unitaire (la
Central Ashaninka del Rio Ene) sera invitée en mai à s’exprimer à
l’Institut d’Etudes Politiques de Paris lors d’une conférence conçue
pour penser la préservation forestière sur la base de propositions
autochtones.
Les Ashaninka du Rio Ene, en lutte pour leur survie culturelle, proposent une alternative et conçoivent leur propre projet de préservation de l’écosystème forestier, qu’ils souhaitent placer sous l’égide du programme Man and Biosphère (MAB) de l’Unesco et faire valider par le secrétariat de la Convention Cadre des Nations Unies Contre le dérèglement Climatique.
Voilà plus de trente ans que la communauté internationale prétend lutter contre la déforestation qui ronge les poumons de notre planète et menace de disparition rapide ce qu’il reste encore de ses trois bassins forestiers tropicaux (Amazonie, bassin du Congo, Indonésie). Voilà plus de trente ans que l’objectif affiché n’est pas la déforestation zéro mais la réduction du “taux” de déforestation.
Voilà plus de trente ans que les discours officiels stigmatisent la “déforestation illégale”, généralement artisanale, sans dire un mot de la déforestation légale, pratiquée à l’échelle industrielle par des entreprises qui agissent en accord avec les autorités. Déforestation légale donc, discrètement planifiée par les états forestiers eux-mêmes, leur stratégie de croissance économique étant clairement indexée sur une dynamique de déforestation : routes, barrages hydroélectriques, agro-business, extraction minière, pétrolière et gazière. Voilà plus de trente ans que la communauté internationale encadre et encourage hypocritement ce saccage, nécessaire pour fournir en matières premières le mode de vie consumériste qui sert d’horizon à la mondialisation.
Pendant ce temps la communauté scientifique a établit le lien entre déforestation et dérèglement climatique : de 15% à 20% des émissions mondiales de gaz à effets de serre proviennent directement de la déforestation. Basé sur ce constat, le programme REDD+ (né du protocole de Kyoto) devait permettre de compenser le manque à gagner des états forestiers qui s’engageraient enfin dans la préservation réelle de leurs massifs forestiers. Bien que cela soit extrêmement réducteur, les dernières grandes forêts primaires sont en effet considérées comme des “puits de carbone”. Le programme REDD+ devait établir, sur la base du marché du carbone, un système de valorisation financière qui aurait permis aux états forestiers de percevoir de l’argent sur chaque hectare protégé plutôt que détruit. Pourquoi pas?
Cette logique (REDD+) avait pour principal mérite un pragmatisme irréfutable : dans un monde dont la seule valeur semble être devenue l’argent, donner un prix à la forêt serait en effet un moyen efficace de la faire respecter rapidement. Associer un rendement financier aux forêts protégées (primaires notamment) était dans l’esprit des concepteurs de REDD+ le moyen d’inciter les états forestiers à changer leur stratégie de développement économique : passer d’une économie de la destruction à une économie de la préservation.
En combinant le programme REDD+ avec les dispositifs attendus du protocole de Nagoya, les états forestiers auraient pu s’installer, en préservant réellement leur patrimoine écologique, dans une économie de rente forestière. Mais le marché du carbone est aujourd’hui déprimé, les implications financières des protocoles de Kyoto et Nagoya sont loin d’être effectives, et surtout les prix des matières premières s’envolent! Or c’est justement sur les cours de ces matières qu’est indexé, dans les faits, le “taux de déforestation”. Et cette hausse est désormais structurelle puisque ces ressources sont en voie d’épuisement alors même que les habitants des pays émergents accèdent massivement à la sphère du consumérisme.
En les superposant, on constate une coïncidence frappante entre la cartographie des ressources naturelles exploitables et celle des territoires indigènes (démarqués ou non). Les ultimes ressources de notre planète se trouvent donc dans les zones où des peuples indigènes luttent pour leur survie culturelle. N’est-ce pas précisément ce constat qui devrait maintenant inspirer nos stratégies de préservation forestière et, localement, les modèles de "développement alternatif" à inventer?
Cela suppose de décoloniser notre imaginaire pour faire alliance avec ces peuples dits autochtones auxquels l’ONU a juridiquement donné un droit de veto (convention 169 de l’OIT) notamment sur tout projet industriel menaçant l’intégrité culturelle et écologique de leurs territoires. Aujourd’hui ce droit est quotidiennement bafoué car le “consentement libre et éclairé” des communautés est très rarement sollicité, quand il ne leur est pas extorqué par des procédés iniques.
En Amazonie, le monde indigène est maintenant structuré en organisations locales, régionales et nationales, regroupées au sein de la COICA (Coordination des Organisations Indigènes de tout le bassin amazonien). Ces organisations sont aujourd’hui des interlocuteurs légitimes pour envisager la préservation réelle de l’Amazonie. Or cette préservation nécessite un coup d’arrêt aux grands travaux d’infrastructure auxquels les états concernés ne renonceront que sous une pression citoyenne décuplée. Et depuis le succès planétaire du film Avatar les citoyens du monde ont parfaitement compris le scénario dans lequel nous sommes embarqués.
Aujourd’hui ce sont des centaines de peuples indigènes forestiers qui résistent, difficilement mais concrètement, à l’avancée industrielle sur leurs territoires ancestraux. Pour être audibles, leur stratégie consiste généralement à se positionner en "défenseurs" de la Nature. Ils conçoivent donc leurs propres projets de préservation forestière, mais manquent généralement des savoir-faire techniques et administratifs pour structurer et faire reconnaître légalement leur démarche. En les soutenant et en les appuyant sur ce plan, ce sont des millions d’hectares de forêt primaire que nous pourrions épargner, préservant ainsi non seulement la faune et la flore mais aussi les langues, les rires, les rites et les médecines de sociétés vivant encore en forte interdépendance avec cette forêt qui, décidément, n’est jamais vierge!
Tout en respectant scrupuleusement la souveraineté des pays concernés, le moment est venu pour la société civile de conclure des accords de coopération, au cas par cas, avec les peuples autochtones qui revendiquent la préservation et la gestion écologique de leurs territoires comme principe de développement alternatif. Les amérindiens d’Amazonie y sont prêts, ils nous attendent, ils sollicitent notre soutien, politique, technique, scientifique, juridique. Voilà, en matière de préservation des dernières forêts tropicales humides, l’avenir immédiat de l’écologie politique! Car le respect des droits des peuples dits autochtones est aujourd’hui l’une des principales conditions de la justice environnementale à laquelle nous aspirons.
C’est pour débattre de ce nouveau type de coopération et dialoguer avec la société française que Ruth Buendia Mestoquiari, porte-parole des dix mille Ashaninka du Rio Ene sera en Europe au mois de mai. Ces amérindiens, en lutte pour leur survie culturelle, défendent leur territoire forestier contre la construction programmée d’un barrage hydroélectrique géant et conçoivent leur propre projet de préservation forestière. La venue de leur représentante en Europe est l’occasion de concrétiser avec eux une alliance plus que jamais nécessaire.
Préserver le territoire forestier des amérindiens Ashaninka, la pétition sur Aavaz.org :
« Amazonie Péruvienne : 10.000 Ashaninka chassés de leur forêt ancestrale par le projet de construction d’un barrage hydroélectrique géant à Pakitzapango, sur le fleuve Ene. Plus de 100.000 hectares de forêt primaire seraient noyés, provoquant l’émission d’environ 900 mille tonnes de gaz à effet de serre. Les Ashaninka du Rio Ene, en lutte pour leur survie culturelle, proposent une alternative et défendent leur propre projet de préservation forestière. Nous, habitants de cette planète, demandons au gouvernement péruvien de renoncer à tout projet industriel dans la vallée du Rio Ene, patrimoine de l’humanité, trésor de biodiversité culturelle, aujourd’hui encore uniquement accessible par pirogue. L’Amazonie est le poumon de notre planète, chacun… »
Les étudiants de l’Institut de géographie de Paris se mobilisent pour soutenir cette lutte indigène et viennent de mettre en ligne cette pétition de solidarité avec les Ashaninka du Rio Ene.
Pour relayer ou contribuer à la campagne de solidarité avec les Ashaninka du Rio Ene, contactez Monsieur Camille Couteau : camille.couteau(at)free.fr
Source : Icra International