Silas Malafaia,
ou la tentation homophobe
du
Brésil
Par Pedro Henrique Tavares - traduction d’Emmanuelle Leroy
Cerqueira
Pour ceux qui luttent pour les droits des homosexuels au
Brésil, leur principal ennemi porte un nom : Silas Malafaia. Ce pasteur (pentecôtiste), formé
en psychologie, est le leader de l'Eglise évangéliste Assembleia de Deus
Vitória em Cristo [Assemblée de Dieu Victoire dans le Christ] et porte en
étendard ses valeurs conservatrices contre le mariage entre personnes du même
sexe. Même s'il doit faire face à une opposition massive à ses idées, le
pasteur peut aussi compter sur un nombre très important d'adeptes.
Le 3 février 2013, Silas Malafaia a accordé une interview
sur une chaîne publique à la journaliste brésilienne Marília Gabriela. A cette
occasion, il s'est exprimé sur des sujets polémiques. Il a défendu le paiement
d'une dîme (correspondant à 10% du salaire réel ou “souhaité”) par les fidèles
des institutions évangélistes. Il s'est ensuite érigé avec véhémence contre la
criminalisation de l'homophobie – prévue dans le Projet de Loi complémentaire
122 - et contre le mariage civil pour tous, invoquant l’article 5 de la
Constitution Brésilienne, qui garantit la liberté d'expression pour tous les
citoyens.
L'affaire a beaucoup divisé les Brésiliens, mais Danilo
Thomaz, le 12 février, dans l'Observatoire de la Presse (émission de
télévision), a jugé qu'une controverse sur les réseaux sociaux est
“l'équivalent virtuel d'une dispute sur le trottoir devant le café du coin”:
La
discussion sur les libertés publiques et l'égalité des droits – des valeurs sur
lesquelles s'appuie la question des homosexuels – s'est transformée en une
hystérie partagée dans laquelle les deux camps, avec leurs 140 caractères, se
différencient sur le contenu de leurs propos mais sont identiques dans la façon
de les présenter. Ils en arrivent, de la même manière, a annuler le débat et à
délégitimer la question. Les populistes et les escrocs, à droite et à gauche,
en plus, en profitent pour faire leur auto-promotion.
Pour justifier son opposition aux gays, Malafaia en a appelé
à la génétique. Il soutient que le choix d'être homosexuel est uniquement
comportemental et que “il n'existe pas de gène de l'homosexualité”. La
polémique s'est installée sur les réseaux sociaux, et le sujet s'est placé en
tête des Trending Topics de Twitter. Le blog BHAZ reproche au pasteur de se
référer à des sources inconnues pour justifier son point de vue. Le texte du 6
février décrit :
Cette fois, le pasteur, grâce à son discours enflammé contre la
criminalisation de l'homophobie et contre la légalisation du mariage civil pour
tous, est parvenu à en appeler à ce qu'il appelle “la science”. Son objectif,
en se servant d'arguments soi-disant “scientifiques” était, en somme, d'affirmer
que l'homosexualité n'est en réalité rien d'autre qu'un comportement “appris ou
imposé” et que personne ne naît homosexuel. En conséquence de quoi, les
militants LGBT n'auraient pas le droit de lutter pour légaliser le mariage
civil pour tous, ou de demander la criminalisation des manifestations de haine
et de préjugés, vis-à-vis de l'orientation sexuelle et l'identité de genre.
Le jour suivant l'émission de la journaliste Marília
Gabriela (le 04/02), Eli Vieira, généticien brésilien doctorant de l'Université
de Cambridge, a enregistré une réponse scientifique par vidéo, démontant point
par point la démonstration de Malafaia.
Sur la toile, les réactions d'opposition à Malafaia et à ses
propos homophobes n'ont pas cessé. Avaaz.org a lancé une pétition qui demande la radiation de
Silas Malafaia du registre des psychologues. Elle a rassemblé plus de 82 000
signatures.
Sur Twitter, Marcelo Arantes appuie la démarche (13/02) et
relaie la pétition :
Tu
as déjà exercé ton pouvoir de citoyen aujourd'hui ? Signe la pétition pour la
radiation de Silas Malafaia du registre des psychologues.
avaaz.org/po/petition/Pe…— Marcelo Arantes –le 13 février 2013.
Cependant, les sympathisants du pasteur ont posté des
messages de soutien sur le même réseau social, demandant que la pétition ne
soit pas signée, comme l'a fait @CASSIANECANTORA le 15 février : "J'ai déjà
signé…On va voter pour la NON radiation de l'inscription du Pr Silas Malafaia
au registre des psychologues".
L'Eglise Igreja Assembleia de Deus Vitória em Cristo a
ouvert officiellement sur sa propre page un recueil des noms de ses
sympathisants qui soutiennent la non-radiation de son enregistrement comme
psychologue. Silas Malafaia a également fait part de sa volonté de poursuivre
en justice Avaaz.org. Le texte ci-dessous l'explique :
Après la polémique générée par l'interview du Professeur
Silas Malafaia dans l'émission “De frente com Gabi” (Face à Gabi), une pétition
publique a été lancée en ligne visant à radier le psychologue du registre des
psychologues. Cependant, dans aucun de ses entretiens accordés à la presse
Silas Malafaia ne se présente comme psychologue, il se présente comme pasteur,
ce qui ne justifie pas une pétition qui implique le Conseil Fédéral de
Psychologie.
Le blogueur Sandro Decottignies sur son blog démonte cet
argument :
Il
faut savoir que Malafaia viole de front les dispositions de la résolution N°
001/99 du Conseil Fédéral de Psychologie, qui interdit explicitement aux psychologues
de considérer l'homo-affectivité comme une pathologie et de tenir des discours
publics contre elle.
Maria Berenice Dias, juriste qui agit en faveur des droits
de la population LGBT, s'est aussi exprimée sur YouTube le 7 février. Elle
démonte le fondement biblique des arguments de Malafaia, et rappelle
l'importance d'une loi visant à garantir l'égalité de tous les citoyens
brésiliens :
Le pasteur Silas Malafaia a également comparé les
homosexuels à des bandits. “J'aime les homosexuels comme j'aime les bandits”
a-t-il déclaré. Le blog Pragmatismo Político a dénoncé cette déclaration le 5
février :
La
corrélation entre “homosexuels” et “bandits” est odieuse. Elle vise à renforcer
le lien entre l'homosexualité et les déviances, soutenant subrepticement l'idée
que l'homosexualité, comme les phénomènes de délinquance, porte atteinte et
préjudice à la société. En d'autres termes, l'analogie nous dit la chose
suivante : les bandits existent, c'est un fait de société, mais il faut les
changer, les punir et les “re-socialiser” pour qu'ils ne nuisent pas la
société. Sans l'affirmer directement, Malafaia pense la même chose des
homosexuels : ils sont un fait social, ils existent mais il faut les corriger
pour qu'ils ne nuisent pas à la famille, aux bonnes moeurs, aux lois
naturelles, à la parole de Dieu, etc…
Le leader religieux a également été critiqué pour avoir
utilisé le terme “homosexualisme”, alors que le mot correct est
“homosexualité”. Mais Marlus Ápyus précise à propos de cette correction, dans
un post sur Facebook du 5 février :
Avant tout, je
crois que vous devriez laisser tomber cette absurdité de condamner le terme
“homosexualisme” parce qu'il serait synonyme de maladie. Quelqu'un de très mal
informé, dans le passé l'a utilisé dans ce sens, l'OMS a corrigé l'erreur en
1990, et, sans explication probante, vingt ans après, nous avons été “obligés”
de parler d'”homosexualité”, qui renforce juste un terme équivoque déjà
corrigé. Je vais continuer à parler d'homosexualisme. Parce que le communisme n'est
pas une maladie, parce que le romantisme n'est pas une maladie et parce que le
lesbianisme n'est pas une maladie. C'est parce que l'homosexualisme ne devrait
jamais être considéré comme une maladie.
Source : Global Voices