mardi 12 mars 2013

Brésil, sectarisme religieux et homophobie

Le pasteur 
Silas Malafaia, 
ou la tentation homophobe 
du Brésil
           


Par Pedro Henrique Tavares - traduction d’Emmanuelle Leroy Cerqueira

Pour ceux qui luttent pour les droits des homosexuels au Brésil, leur principal ennemi porte un nom : Silas Malafaia. Ce pasteur (pentecôtiste), formé en psychologie, est le leader de l'Eglise évangéliste Assembleia de Deus Vitória em Cristo [Assemblée de Dieu Victoire dans le Christ] et porte en étendard ses valeurs conservatrices contre le mariage entre personnes du même sexe. Même s'il doit faire face à une opposition massive à ses idées, le pasteur peut aussi compter sur un nombre très important d'adeptes.


Le 3 février 2013, Silas Malafaia a accordé une interview sur une chaîne publique à la journaliste brésilienne Marília Gabriela. A cette occasion, il s'est exprimé sur des sujets polémiques. Il a défendu le paiement d'une dîme (correspondant à 10% du salaire réel ou “souhaité”) par les fidèles des institutions évangélistes. Il s'est ensuite érigé avec véhémence contre la criminalisation de l'homophobie – prévue dans le Projet de Loi complémentaire 122 - et contre le mariage civil pour tous, invoquant l’article 5 de la Constitution Brésilienne, qui garantit la liberté d'expression pour tous les citoyens.

L'affaire a beaucoup divisé les Brésiliens, mais Danilo Thomaz, le 12 février, dans l'Observatoire de la Presse (émission de télévision), a jugé qu'une controverse sur les réseaux sociaux est “l'équivalent virtuel d'une dispute sur le trottoir devant le café du coin”:

La discussion sur les libertés publiques et l'égalité des droits – des valeurs sur lesquelles s'appuie la question des homosexuels – s'est transformée en une hystérie partagée dans laquelle les deux camps, avec leurs 140 caractères, se différencient sur le contenu de leurs propos mais sont identiques dans la façon de les présenter. Ils en arrivent, de la même manière, a annuler le débat et à délégitimer la question. Les populistes et les escrocs, à droite et à gauche, en plus, en profitent pour faire leur auto-promotion.

Pour justifier son opposition aux gays, Malafaia en a appelé à la génétique. Il soutient que le choix d'être homosexuel est uniquement comportemental et que “il n'existe pas de gène de l'homosexualité”. La polémique s'est installée sur les réseaux sociaux, et le sujet s'est placé en tête des Trending Topics de Twitter. Le blog BHAZ reproche au pasteur de se référer à des sources inconnues pour justifier son point de vue. Le texte du 6 février décrit :

Cette fois, le pasteur, grâce à son discours enflammé contre la criminalisation de l'homophobie et contre la légalisation du mariage civil pour tous, est parvenu à en appeler à ce qu'il appelle “la science”. Son objectif, en se servant d'arguments soi-disant “scientifiques” était, en somme, d'affirmer que l'homosexualité n'est en réalité rien d'autre qu'un comportement “appris ou imposé” et que personne ne naît homosexuel. En conséquence de quoi, les militants LGBT n'auraient pas le droit de lutter pour légaliser le mariage civil pour tous, ou de demander la criminalisation des manifestations de haine et de préjugés, vis-à-vis de l'orientation sexuelle et l'identité de genre.

Le jour suivant l'émission de la journaliste Marília Gabriela (le 04/02), Eli Vieira, généticien brésilien doctorant de l'Université de Cambridge, a enregistré une réponse scientifique par vidéo, démontant point par point la démonstration de Malafaia.

Sur la toile, les réactions d'opposition à Malafaia et à ses propos homophobes n'ont pas cessé.  Avaaz.org a lancé une pétition qui demande la radiation de Silas Malafaia du registre des psychologues. Elle a rassemblé plus de 82 000 signatures.

Sur Twitter, Marcelo Arantes appuie la démarche (13/02) et relaie la pétition :

Tu as déjà exercé ton pouvoir de citoyen aujourd'hui ? Signe la pétition pour la radiation de Silas Malafaia du registre des psychologues. avaaz.org/po/petition/Pe…— Marcelo Arantes –le 13 février 2013.

Cependant, les sympathisants du pasteur ont posté des messages de soutien sur le même réseau social, demandant que la pétition ne soit pas signée, comme l'a fait @CASSIANECANTORA le 15 février : "J'ai déjà signé…On va voter pour la NON radiation de l'inscription du Pr Silas Malafaia au registre des psychologues".

L'Eglise Igreja Assembleia de Deus Vitória em Cristo a ouvert officiellement sur sa propre page un recueil des noms de ses sympathisants qui soutiennent la non-radiation de son enregistrement comme psychologue. Silas Malafaia a également fait part de sa volonté de poursuivre en justice Avaaz.org. Le texte ci-dessous l'explique :

Après la polémique générée par l'interview du Professeur Silas Malafaia dans l'émission “De frente com Gabi” (Face à Gabi), une pétition publique a été lancée en ligne visant à radier le psychologue du registre des psychologues. Cependant, dans aucun de ses entretiens accordés à la presse Silas Malafaia ne se présente comme psychologue, il se présente comme pasteur, ce qui ne justifie pas une pétition qui implique le Conseil Fédéral de Psychologie.

Le blogueur Sandro Decottignies sur son blog démonte cet argument :

    Il faut savoir que Malafaia viole de front les dispositions de la résolution N° 001/99 du Conseil Fédéral de Psychologie, qui interdit explicitement aux psychologues de considérer l'homo-affectivité comme une pathologie et de tenir des discours publics contre elle.

Maria Berenice Dias, juriste qui agit en faveur des droits de la population LGBT, s'est aussi exprimée sur YouTube le 7 février. Elle démonte le fondement biblique des arguments de Malafaia, et rappelle l'importance d'une loi visant à garantir l'égalité de tous les citoyens brésiliens :

Le pasteur Silas Malafaia a également comparé les homosexuels à des bandits. “J'aime les homosexuels comme j'aime les bandits” a-t-il déclaré. Le blog Pragmatismo Político a dénoncé cette déclaration le 5 février :

    La corrélation entre “homosexuels” et “bandits” est odieuse. Elle vise à renforcer le lien entre l'homosexualité et les déviances, soutenant subrepticement l'idée que l'homosexualité, comme les phénomènes de délinquance, porte atteinte et préjudice à la société. En d'autres termes, l'analogie nous dit la chose suivante : les bandits existent, c'est un fait de société, mais il faut les changer, les punir et les “re-socialiser” pour qu'ils ne nuisent pas la société. Sans l'affirmer directement, Malafaia pense la même chose des homosexuels : ils sont un fait social, ils existent mais il faut les corriger pour qu'ils ne nuisent pas à la famille, aux bonnes moeurs, aux lois naturelles, à la parole de Dieu, etc…

Le leader religieux a également été critiqué pour avoir utilisé le terme “homosexualisme”, alors que le mot correct est “homosexualité”. Mais Marlus Ápyus précise à propos de cette correction, dans un post sur Facebook du 5 février :

 Avant tout, je crois que vous devriez laisser tomber cette absurdité de condamner le terme “homosexualisme” parce qu'il serait synonyme de maladie. Quelqu'un de très mal informé, dans le passé l'a utilisé dans ce sens, l'OMS a corrigé l'erreur en 1990, et, sans explication probante, vingt ans après, nous avons été “obligés” de parler d'”homosexualité”, qui renforce juste un terme équivoque déjà corrigé. Je vais continuer à parler d'homosexualisme. Parce que le communisme n'est pas une maladie, parce que le romantisme n'est pas une maladie et parce que le lesbianisme n'est pas une maladie. C'est parce que l'homosexualisme ne devrait jamais être considéré comme une maladie.


Source : Global Voices