vendredi 1 mars 2013

Quand François Mitterrand s'adressait à l'Amérique latine

Que reste-t-il 
du discours de Cancun ?

Allocution de François Mitterrand 
au Mexique en 1981

Par Ivan de la Pampa

"Jadis, alors que les défenseurs de Puebla étaient assiégés par les troupes de NAPOLEON III, un petit journal mexicain, imprimé sur deux colonnes, l'une en français, l'autre en espagnol, s'adressant à nos soldats, écrivait : "Qui êtes-vous ? Les soldats d'un tyran. La meilleure France est avec nous. Vous avez NAPOLEON, nous avons Victor HUGO". 

Ce texte lu par François Mitterrand en octobre 1981 au Mexique dans la ville de Cancun, est un discours important et qui marqua les esprits. Il marquait une volonté nouvelle de la France à l’égard de l’Amérique latine, suite à des années ou l’apport de la France dans cette région du monde ne s’est pas toujours illustré par de grands desseins humanistes.

Il reste un discours fort, ce qui ne veut pas dire qu’il se soit toujours traduit dans les mêmes termes dans la diplomatie française ou dans les actes du président disparu. Néanmoins, ils marquèrent ces quelques mois où nous crûmes en l’idée qu’il était possible « de changer la vie »… Eut-il fallu changer l’organisation des pouvoirs, et en finir avec « le coup d’état permanent » des pouvoirs gaullistes ou giscardiens ? Propos et interrogation qui aujourd’hui peuvent sembler insolites, mais qui faisait sens à l’époque.

« - Salut aux humiliés, aux émigrés, aux exilés sur leur propre terre qui veulent vivre et vivre libres.
- Salut à celles et à ceux qu'on baillonne, qu'on persécute ou qu'on torture, qui veulent vivre et vivre libres.
- Salut aux séquestrés, aux disparus et aux assassinés qui voulaient seulement vivre et vivre libres.
- Salut aux prêtres brutalisés, aux syndicalistes emprisonnés, aux chômeurs qui vendent leur sang pour survivre, aux indiens pourchassés dans leur forêt, aux travailleurs sans droit, aux paysans sans terre, aux résistants sans arme qui veulent vivre et vivre libres. »

Ces quelques phrases extraites du discours de Cancun pourraient être repris en 2013, tant on retrouve dans ce texte une espérance de changement, dont on peut méditer le temps qu’il faut pour que les choses ou les mentalités puissent changer à l’échelle du monde ou d’un pays. Toutefois, depuis 1981 les affaires de la planète dans sa répartition des forces politiques et militaires ne sont plus les mêmes, mais pourtant certaines causes perdurent.

Certes de grands pas ont été franchis et ce qui à résulter, avec l’arrivée des pouvoirs de gauche en Amérique latine dans les années 2000 était impensable quand en 1981 une bonne partie de l’Amérique latine était encore sous le joug de dictatures sanguinaires. Lesquelles se trouvant délibérément dans un axe Est-Ouest, aujourd’hui n’existant plus, mais ou l’empreinte étasunienne a subsisté, non plus dans une guerre froide, mais dans la domination d’un modèle économique et militaire, l’hyper-empire et ses vassaux, qui de nos jours est en crise totale.

Oui globalement, l’Amérique latine se porte mieux, et l’étrangloir des politiques ultra-libérales des années 80 à donner lieu à une renaissance de la gauche sociale et politique. Pour autant, que de chemin à parcourir avant de voir certains symptômes disparaître et en particulier la misère. La question Amérindienne trouve même en France une certaine écoute, tant la complexité de ce continent est aussi une alerte sur comment les cultures originaires sont menacées ou persécutées. Et ce que les Amérindiens ont a nous dire sur ce monde brutal et violent. De nombreuses questions en relation avec nos différents mondes se posent, et surtout quel rôle pourrait jouer la France si elle sortait de son ornière décliniste…

Si la politique étrangère de la France a gagné en lisibilité depuis le 6 mai 2012 en Amérique latine. Il reste à l’égard de ces pays à construire des échanges et des coopérations ambitieuses et ne pas tomber dans le piège de relations économiques avec des nations rongées par la corruption et le crime organisé. (en référence avec les accords de libres échanges : Colombie/Pérou – Amérique Centrale).

Si le président François Hollande a marqué des points auprès du Brésil au mois décembre en invitant la présidente Dilma Rousseff, jusqu’à présent, il n’y a pas eu de visite présidentielle dans cette partie du monde, même si quelques ministres et le premier d’entre eux se sont rendus outre-atlantique récemment, qu’elle pourrait être la tonalité et l’originalité du discours présidentiel, reste en l’état un mystère.

Il y a donc quelques raisons de s’interroger sur quelle politique étrangère, voulons-nous ? Si l’on constate un changement de ton, moins d’arrogance, mais en dehors d’une volonté de commercer, et de trouver à l’international des partenaires séduit par le « made in France », cela manque toutefois de souffle.

« - A tous, la France dit : Courage, la liberté vaincra. Et si elle le dit depuis la capitale du Mexique, c'est qu'ici ces mots possèdent tout leur sens.

- Quand la championne des droits du citoyen donne la main au champion du droit des peuples, qui peut penser que ce geste n'est pas aussi un geste d'amitié à l'égard de tous les autres peuples du monde, et en-particulier du monde américain ? Et si j'en appelle à la liberté pour les peuples qui souffrent de l'espérer encore ; je refuse tout autant ses sinistres contre-façons, il n'est de liberté que par l'avènement de la démocratie. » François Mitterrand, octobre 1981.


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