Que reste-t-il
du discours de Cancun ?
Allocution de François Mitterrand
au Mexique en 1981
Par Ivan de la Pampa
"Jadis, alors que les défenseurs de Puebla étaient assiégés
par les troupes de NAPOLEON III, un petit journal mexicain, imprimé sur deux
colonnes, l'une en français, l'autre en espagnol, s'adressant à nos soldats,
écrivait : "Qui êtes-vous ? Les soldats d'un tyran. La meilleure France
est avec nous. Vous avez NAPOLEON, nous avons Victor HUGO".
Ce texte lu
par François Mitterrand en octobre 1981 au Mexique dans la ville de Cancun, est
un discours important et qui marqua les esprits. Il marquait une volonté
nouvelle de la France à l’égard de l’Amérique latine, suite à des années ou
l’apport de la France dans cette région du monde ne s’est pas toujours illustré
par de grands desseins humanistes.
Il reste un discours fort, ce qui ne veut pas dire qu’il se
soit toujours traduit dans les mêmes termes dans la diplomatie française ou
dans les actes du président disparu. Néanmoins, ils marquèrent ces quelques
mois où nous crûmes en l’idée qu’il était possible « de changer la
vie »… Eut-il fallu changer l’organisation des pouvoirs, et en finir avec
« le coup d’état permanent » des pouvoirs gaullistes ou
giscardiens ? Propos et interrogation qui aujourd’hui peuvent sembler insolites,
mais qui faisait sens à l’époque.
« - Salut aux humiliés, aux émigrés, aux exilés sur
leur propre terre qui veulent vivre et vivre libres.
- Salut à celles et à ceux qu'on baillonne, qu'on persécute
ou qu'on torture, qui veulent vivre et vivre libres.
- Salut aux séquestrés, aux disparus et aux assassinés qui
voulaient seulement vivre et vivre libres.
- Salut aux prêtres brutalisés, aux syndicalistes
emprisonnés, aux chômeurs qui vendent leur sang pour survivre, aux indiens
pourchassés dans leur forêt, aux travailleurs sans droit, aux paysans sans
terre, aux résistants sans arme qui veulent vivre et vivre libres. »
Ces quelques phrases extraites du discours de Cancun
pourraient être repris en 2013, tant on retrouve dans ce texte une espérance de
changement, dont on peut méditer le temps qu’il faut pour que les choses ou les
mentalités puissent changer à l’échelle du monde ou d’un pays. Toutefois,
depuis 1981 les affaires de la planète dans sa répartition des forces
politiques et militaires ne sont plus les mêmes, mais pourtant certaines causes
perdurent.
Certes de grands pas ont été franchis et ce qui à résulter,
avec l’arrivée des pouvoirs de gauche en Amérique latine dans les années 2000
était impensable quand en 1981 une bonne partie de l’Amérique latine était
encore sous le joug de dictatures sanguinaires. Lesquelles se trouvant
délibérément dans un axe Est-Ouest, aujourd’hui n’existant plus, mais ou
l’empreinte étasunienne a subsisté, non plus dans une guerre froide, mais dans
la domination d’un modèle économique et militaire, l’hyper-empire et ses
vassaux, qui de nos jours est en crise totale.
Oui globalement, l’Amérique latine se porte mieux, et
l’étrangloir des politiques ultra-libérales des années 80 à donner lieu à une
renaissance de la gauche sociale et politique. Pour autant, que de chemin à
parcourir avant de voir certains symptômes disparaître et en particulier la
misère. La question Amérindienne trouve même en France une certaine écoute,
tant la complexité de ce continent est aussi une alerte sur comment les
cultures originaires sont menacées ou persécutées. Et ce que les Amérindiens ont a nous dire
sur ce monde brutal et violent. De nombreuses questions en relation avec nos
différents mondes se posent, et surtout quel rôle pourrait jouer la France si
elle sortait de son ornière décliniste…
Si la politique étrangère de la France a gagné en lisibilité
depuis le 6 mai 2012 en Amérique latine. Il reste à l’égard de ces pays à
construire des échanges et des coopérations ambitieuses et ne pas tomber dans
le piège de relations économiques avec des nations rongées par la corruption et
le crime organisé. (en référence avec les accords de libres échanges :
Colombie/Pérou – Amérique Centrale).
Si le président François Hollande a marqué des points auprès
du Brésil au mois décembre en invitant la présidente Dilma Rousseff, jusqu’à
présent, il n’y a pas eu de visite présidentielle dans cette partie du
monde, même si quelques ministres et le premier d’entre eux se sont rendus
outre-atlantique récemment, qu’elle pourrait être la tonalité et l’originalité du
discours présidentiel, reste en l’état un mystère.
Il y a donc quelques raisons de s’interroger sur quelle
politique étrangère, voulons-nous ? Si l’on constate un changement de ton,
moins d’arrogance, mais en dehors d’une volonté de commercer, et de trouver à
l’international des partenaires séduit par le « made in France »,
cela manque toutefois de souffle.
« - A tous, la France dit : Courage, la liberté
vaincra. Et si elle le dit depuis la capitale du Mexique, c'est qu'ici ces mots
possèdent tout leur sens.
- Quand la championne des droits du citoyen donne la main au champion du droit des peuples, qui peut penser que ce geste n'est pas aussi un geste d'amitié à l'égard de tous les autres peuples du monde, et en-particulier du monde américain ? Et si j'en appelle à la liberté pour les peuples qui souffrent de l'espérer encore ; je refuse tout autant ses sinistres contre-façons, il n'est de liberté que par l'avènement de la démocratie. » François Mitterrand, octobre 1981.
Pour lire le texte en entier,
de François Mitterrand, Cliquez ici !