mercredi 13 mars 2013

Brésil, Marco Feliciano un député évangéliste et homophobe

 Les droits de l'homme 
au Brésil représentés 
par un pasteur évangéliste 
controversé

Par Inês Pontes · Traduction d’Emmanuelle Leroy Cerqueira

C'est sous les protestations et les sifflets, et avec le minimum de voix nécessaires, que le député évangéliste Marco Feliciano, du PSC (Parti Social Chétien) a été élu, le 7 mars 2013 président de la Commission des Droits de l'Homme et des Minorités de la Chambre des Députés, au Brésil. Président de l'Eglise Assemblée de Dieu, Feliciano est une personnalité très polémique. 

Opposé au mariage gay et au droit à l'avortement, il est la cible d'un procès pour détournement de fonds par la Cour Suprême Fédérale (STF), auquel il répond par des propos homophobes, comme en témoigne son message sur twitter du 31 mars 2011: “la pourriture des sentiments des homoaffectifs mène à la haine, au crime, au rejet”.

Le site Carta Capital rapporte que pendant son discours de prise de fonction, Feliciano a nié être homophobe ou raciste. Le pasteur a déjà causé de nombreuses polémiques avec ses commentaires. Dans un discours lors d'un congrès évangéliste, il a affirmé que le SIDA est “le cancer gay”.

Sur le blog de Feliciano, on peut lire:

    Nous savons tous que le dénommé SIDA peut atteindre tout le monde, indépendamment de ses préférences sexuelles mais la science même révèle la prédominance d'infection par cette maladie par les personnes manifestement homosexuelles, à tel point qu'il est vrai que, si on se déclare homosexuel lors de l'entretien préalable au don du sang, le don est refusé.

Le blog Mistura Urbana, conteste les procédés de Feliciano :

    Se justifiant par l'excuse de la liberté religieuse et de la liberté d'expression, les personnes qui devraient être engagées pour l‘AMOUR DU PROCHAIN, comme le pasteur et député Marco Feliciano, et le pasteur millionnaire Silas Malafaia préfèrent et choisissent d'enflammer la multitude de fidèles par la haine, la violence et les préjugés. Et en plus, ils se positionnent comme les victimes d'un militantisme gay haineux et persécuteur

Dans une vidéo, le pasteur Feliciano enflamme ses fidèles contre le mariage gay (en Portugais) : Cliquez ici !

La liste des horreurs proférées par Feliciano, est publiée sur le site CSP conlutas, on y trouve entre autres : La malédiction que Noé lance sur son petit-fils, Canaan, se répand sur le continent africain, d'où la faim, les pestes, les maladies, les guerres ethniques ! Le compte twitter du député compte plus de 143 000 inscrits (@marcofeliciano) et son compte Facebook 105 000.

D'après le site Gazeta do Ribeirão, ses abonnés sur Twitter et Facebook ont déclaré pour sa défense :

“Les gens n'attaquent que ceux qui dérangent. Le Seigneur fait la différence. Le peuple de Dieu est avec toi” écrit un sympathisant sur Twitter. 

“Je sais qu'il accomplira dignement la tâche qui lui a été confiée”, commente un autre abonné.  

“Le pasteur @marcofeliciano est un exemple pour notre génération ! Un homme de Dieu qui ne doit pas avoir honte et qui mérite notre respect” ajoute un autre.

Pourtant, contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, le pasteur ne reçoit pas l'appui de la communauté évangéliste dans sa totalité. Rede Fale, représentant les 39 groupes religieux, a annoncé son opposition à l'élection et a lancé une pétition pour retirer au pasteur ses fonctions.

Dans un message publié sur son site Rede Fale dit :

Les exemples historiques de chrétiens engagés pour les Droits de l'Homme sont nombreux, des figures comme le pasteur baptiste Martin Luther King Jr ou l'évêque anglican Desmond Tutu nous inspirent parce que justement ils mettent la foi comme un moteur de leurs actions de promotion et de défense des droits.

Une pétition Avaaz demandant l'éloignement de Feliciano a déjà recueilli plus de 300 000 signatures au moment de l'écriture de cet article. La responsabilité des partis politiques est mise à l'épreuve avec la victoire du pasteur à la présidence de la Commission des Droits de l'Homme. La Commission est composée de 18 membres et compte actuellement cinq membres du PSC et six autres représentants évangélistes.

Le blog O Diário informe :

Pour rendre possible l'élection du député évangéliste, le PSC a reçu l'appui du PMDB (Parti du Mouvement Démocratique Brésilien) et du PSDB (Parti de la Social-Démocratie Brésilienne) qui ont cédé leurs sièges au sein de la commission au parti. Avec un seul membre dans le collège précédent, le PSC en comptait cinq lors de l'élection d'aujourd'hui, le PMDB ayant cédé deux sièges, et le PSDB, deux encore. Le parti a aussi reçu l'appui du PR (Parti de la république), du PTC (Parti Travailliste Chrétien) et d'un député du PSB (Parti Socialiste Brésilien), le Pasteur Eurico.

Le parlementaire et membre de la Commission des Droits de l'Homme et des Minorités Jean Wyllys (du PSOL-RJ, Parti Socialisme et Liberté – Rio de Janeiro) dans une interview à  Rede Brasil Atual, défend la thèse que l'arrivée du pasteur Feliciano à la présidence de la Commission est liée aux querelles politiques et aux accords entre partis en cours au Brésil dans le cadre de l'élection présidentielle de 2014. Bien connu pour ses prises de position en faveur des droits des LGBT, le député affirme encore que les événements récents impliquant la commission concernent aussi une “dispute idéologogique” à propos des droits de l'homme dans le pays.

Le site Causa Operária a rapporté dans un article la déclaration de Domingos Dutra (du Parti des Travailleurs), ex-président de la Commission, avant de passer le relais de la présidence à Feliciano, le 7 mars 2013 :

« Je me retire en ce moment au nom du PT et je me retire au milieu d'une dictature qui a été établie ici » (Congresso em Foco, 7/3/2013). La déclaration du pétiste [partisan du PT] n'annule pas l'existence d'un accord entre les chefs de partis pour laisser la place aux évangélistes au sein de la commission. La commission qui a été créée il y a vingt ans a été dirigée majoritairement par la gauche, le PT seul l'a dirigée 18 fois.


Source : photos (sauf en une) et article de Global Voices