les femmes cibles privilégiées
des conflits
armés
Par Geneviève Garrigos, présidente d'Amnesty International
France
En Colombie, après cinquante ans de conflit armé, les
violences sexuelles sont systématiques et généralisées. Une arme redoutable au
service de la terreur. Femmes transformées en esclaves sexuelles, communautés contraintes
à quitter leurs terres, vengeance, réduction au silence des militantes des
droits humains qui osent dénoncer et combattre ces violences... Les motifs sont
nombreux pour les tortionnaires.
Angelica Bello (1 + photo ci-contre), défenseure colombienne des
droits humains, retrouvée morte le 16 février 2013, en est l'un des derniers
exemples. "Etre une militante en faveur des droits humains en Colombie,
c'est comme être un kamikaze en Irak", avait-elle déclaré à une équipe
d'Amnesty International fin 2011.
Les institutions publiques colombiennes – système judiciaire
compris – manquent à leurs devoirs envers les victimes en étant incapables de
leur accorder justice, protection, réparations, soins et services d'aide. Il
apparaît essentiel de mettre un terme aux violences sexuelles.
VIOLENCES SEXUELLES
L'éradication de la violence sexuelle passe aussi par le
contrôle des armes qui depuis des décennies circulent dans le pays. Forts de
leurs armes, de leur pouvoir et de leur statut, des militaires et des membres
de groupes armés, paramilitaires et guérillas, ont commis et continuent de
commettre des violences sexuelles en toute impunité contribuant ainsi à
développer un climat de violence généralisée : le commerce des armes a un
impact direct sur les discriminations de genre et les violences faites aux
femmes.
Or, à ce jour, il n'existe aucun mécanisme de contrôle
international tel qu'un traité international sur le commerce des armes qui
empêcherait toute livraison d'armes à des pays dès lors qu'il existe un risque
substantiel que celles-ci soient utilisées pour commettre ou faciliter des
violences liées au genre.
La Colombie a une industrie militaire autosuffisante, elle
n'en fait pas moins appel à différents Etats pour importer des quantités
considérables d'armement. A elle seule, la France a livré pour 47,9 millions
d'euros d'armes à la Colombie. Des livraisons destinées à un pays plusieurs
fois condamné par la Cour interaméricaine des droits de l'homme.
Pourtant, la France a des engagements européens qui exigent
d'examiner l'impact d'un transfert d'armes sur les droits humains dans le pays
destinataire. Comment expliquer alors qu'elle continue d'approvisionner la
Colombie ? Qu'attendre des pays producteurs d'armement qui n'ont aucune
réglementation ?
Le 18 mars, à New York, s'ouvriront les négociations finales
sur un traité réglementant le commerce des armes. La communauté internationale
doit maintenir son niveau d'exigence le plus haut possible pour que le traité
protège effectivement les populations civiles et, notamment, les femmes des
violences sexuelles.
Elle ne doit pas céder aux Etats opposants ou sceptiques,
désirant affaiblir le projet de texte qui prend en compte les violences faites
aux femmes. En Colombie, et dans de nombreux pays, les femmes espèrent que les
armes, leurs munitions ne tomberont plus dans n'importe quelles mains. Il ne
faut pas les décevoir.
Violences sexuelles en Colombie :
interview de Linda Cabrera
Interview de Linda Cabrera, de l'ong colombienne Sisma
Mujer. Linda Cabrera était en Belgique du 3 au 7 décembre, à l'invitation
d'AIBF, qui a publié, en septembre 2011 et 2012 deux rapports consacrés aux
violations sexuelles contre les femmes en Colombie, dans le contexte du conflit
armé colombien. Lind Cabrera est juriste et spécialiste du droit
constitutionnel.
Note :
(1) « Colombie : une défenseure des droits humains
menacée à de nombreuses reprises trouve la mort dans des circonstances
controversées », cliquez ici !
Source : Le Monde – Page Idées