Un accord est intervenu après 12
jours et conflits violents avec l’ESMAD
Par Libres Amériques
Depuis la fin du mois de
février 2013, un très fort mouvement social a provoqué une forte incidence sur
la vie et l’économie du pays et entraînant plusieurs corporations dans son
sillage, à l’exemple des chauffeurs routiers. Il est à signaler de nombreux
heurts avec les forces de l’ordre bien connues de l’ESMAD et comme l’a dénoncé
RSF, des journalistes ont été fortement réprimé, ainsi que les petits
producteurs de café en grève totale et manifestants sur les routes.
« Moulus ! titre le
quotidien, jouant sur un mot qui signifie aussi "crevé",
"lessivé". Des milliers de producteurs de café ont organisé le lundi
25 février 2013 (et lancé) la grève avec des marches dans plusieurs régions du
pays (une dizaine de département) contre la baisse de leurs revenus, due à une
chute de la production et à la baisse des cours internationaux (de 35 % sur la
durée de 2012). Comme palliatif, le gouvernement a annoncé la création d'une
commission pour identifier les principaux problèmes du secteur et apporter des
solutions, explique le quotidien » El Espectador. (Source : Courrier
International)
Les producteurs de café
colombiens après 12 jours de grève et de blocages des routes ont trouvé un
accord avec le gouvernement. Cela faisait depuis 1991, que les
« cafeteros » ne s’étaient pas mis en grève. Le mouvement de colère a
été important et a paralysé une bonne partie du pays. Aussi, il y a eu quelques
incidences dans la région andine ou sur les pays frontaliers du sud. Il a fallu
entre autres rapatriés 80 personnes chez eux par avion et ce sont près d’un
millier de péruviens au total, qui ont été coincés sur les routes et confrontés
à cette paralysie du pays, s’entendant du sud au centre nord du pays
(Département du Cauca, d’Antioqua, …).
La grève des producteurs
touchait le pays depuis la semaine dernière. Ils protestaient contre la baisse de leurs revenus de
moins 13 % (en cumul pour 2011 et 2012) ainsi que la baisse des prix sur
l’arabica en 2012. Le café (arabica) est le troisième produit le plus exporté
par la Colombie et il a connu également un renchérissement du peso face au
dollar de plus de 10 % en 2012. La colère grondait depuis quelque temps, faute
d’être pris en considération, les caféiculteurs ont été amenés pour se faire
entendre des autorités publiques à bloquer de nombreuses voies de circulation
dans le pays et décrétés une grève puissante et soutenue par la population.
Cela concernera notamment,
les petits producteurs exploitant moins de 20 hectares, représentant 95 % des
cultivateurs, soit près de 550.000 familles de producteurs de café. Ils
percevront dorénavant un prix minimum de 145.000 pesos par sac de 125 kilos,
ils verront aussii leur allocation doublée. Le « soutien au revenu des
Cafeteros » passe de 30.000 pesons à 60.000 par sac, soit plus de 12 euros
d’aide supplémentaire aux producteurs par sac. Les aides gouvernementales
représenteront un total 800.000 millions de pesos colombiens par an (environ
400 millions d’euros).
Le Président Santos a
justifié l’augmentation des allocations et le prix de base, en raison de la
crise sur la valeur du grain engendrée par les prix à international et la
réévaluation de la monnaie, ainsi que la diminution du volume de production de
ces 4 dernières années, passant de
12 millions de sacs à 8 millions et les effets des saisons des pluies. (Source
El Tiempo)
Le café est un secteur
important de l’économie. La Colombie est le deuxième producteur d’arabica dans
le monde après le Brésil (le 4ème pour l’ensemble des cafés arabica
et robusta). La fluctuation des prix et la concurrence de son voisin sont des
facteurs ayant contribué à cette forte crispation sociale. Face à cette forte
pression sociale, le gouvernement a dû engager des négociations et elles ont
abouti à un accord entre les différentes parties.
Cependant, le conflit a
donné lieu à des affrontements violents, en particulier lors du blocage de
certains axes routiers entraînant des heurts avec les forces de l’ordre de
l’ESMAD, si l’on a pu constater des blessés, il n’est pas à regretter de morts,
semble-t-il. Ceci n’est pas un détail, quand on sait le rôle joué par ces
forces de sécurités lors d’autres conflits sous la gouverne d’Alvaro Uribe
jusqu’en 2010. Toutefois,
certaines méthodes n’ont pas vraiment changé…
RSF : « L’Etat a
le devoir de garantir la liberté de l’information et la protection des
journalistes, comme le précise l’article 73 de la Constitution
colombienne. »
Le Secrétaire général,
Christophe Deloire de Reporters sans frontières a déploré les nombreuses
violences subies par les journalistes qui couvraient l’événement, ainsi que les
travailleurs du mouvement social volontairement agressé par des membres de
l’ESMAD ou par provocateurs associés à celles-ci.
« A Garzón (Huila), le
27 février, plusieurs agents de l’Esmad ont lancé des grenades lacrymogènes
dans les locaux de Radio Garzón, où des paysans s’étaient réfugiés afin de fuir
la violence perpétrée à leur encontre. Plusieurs employés de la radio ont été
affectés par le gaz lacrymogène, tels qu’Humberto Sosa, Angel Vargas et Luz Ángela
Rodríguez, enceinte de sept mois et qui a dû être transférée à l’hôpital.
Depuis cette date, Radio Garzón a cessé de fonctionner, ses équipements ayant
été très sérieusement endommagés.
Des incidents similaires se
sont produits à Ibagué (Tolima), où plusieurs journalistes ont fait les frais
de la violence des affrontements entre les paysans et les forces de l’Esmad.
Ces dernières ont lancé des grenades lacrymogènes à l’intérieur d’un
restaurant, où des journalistes et des producteurs de café s’étaient réfugiés.
Plusieurs professionnels des médias ont été frappés violemment par des hommes
de l’Esmad. On compte parmi eux Miguel Gómez (radio FM), Germán Acosta (RCN
Radio), Milton Henao (Telesur), Oscar Borja (journal Q’hubo), Nelson Lombana
(Semanario Voz), ainsi que des journalistes de médias alternatifs.
Le même jour, en marge de la
grève à Huila, Edgar Donoso de Caracol TV, et un autre journaliste de RCN
Televisión, et les cameramen avec lesquels ils travaillaient, ont été agressés
physiquement et verbalement par des agents de la Police nationale. Ces derniers
ont également endommagé leur équipement. Des excuses ont toutefois été
présentées par le Général Rodolfo Palomino,qui se trouvait sur place.
A Neiva (Huila), les forces
de l’ordre ont fait intrusion dans les locaux de l’agence de communication
Colombia Informa, sous prétexte de rechercher des explosifs qui auraient été
utilisés durant la grève. Les journalistes de l’agence ont exprimé leurs
inquiétudes, ne comprenant pas la raison d’une telle visite, qui visait
manifestement à les intimider. L’agence signalait régulièrement les abus de la
police commis à l’encontre des manifestants.
Enfin, à Fresno (Tolima), le
4 mars, le directeur du journal Región Al Día, Rodrigo Callejas, a été menacé
et empêché de couvrir les événements liés à la grève des producteurs de café
par des individus masqués, apparemment membres de groupes armés et infiltrés
parmi les grévistes. La veille, des journalistes de Telecafé avaient également
été empêchés de filmer dans certains quartiers de la ville par des individus
similaires. »
Pour lire la lettre en
entier à l’adresse du ministre de l’Intérieur colombien « Violences policières contre des journalistes durant une
grève », cliquez ici !
Si l’on peut se réjouir
qu’un accord ait été trouvé, il n’en demeure pas moins que certaines pratiques
policières brutales restent en œuvre et posent problèmes quand au respect des
règles du droit national colombien et international. Que ce soit celui
d’informer ou de manifester pacifiquement. Cette pratique répressive des forces
spéciales de l’ESMAD perdure, elle doit cesser de la part des autorités
colombiennes.
- Libération « En Colombie, les caféiculteurs veulent de nouvelles règles du jus », cliquez ici !
- AFP via Libération « Colombie: axes routiers bloqués par des camionneurs et producteurs de café », cliquez ici !