samedi 9 mars 2013

Colombie, producteurs de café et journalistes agressés

Fin du mouvement des « cafeteros » en Colombie : 
Un accord est intervenu après 12 jours  et conflits violents avec l’ESMAD

Par Libres Amériques

Depuis la fin du mois de février 2013, un très fort mouvement social a provoqué une forte incidence sur la vie et l’économie du pays et entraînant plusieurs corporations dans son sillage, à l’exemple des chauffeurs routiers. Il est à signaler de nombreux heurts avec les forces de l’ordre bien connues de l’ESMAD et comme l’a dénoncé RSF, des journalistes ont été fortement réprimé, ainsi que les petits producteurs de café en grève totale et manifestants sur les routes.

« Moulus ! titre le quotidien, jouant sur un mot qui signifie aussi "crevé", "lessivé". Des milliers de producteurs de café ont organisé le lundi 25 février 2013 (et lancé) la grève avec des marches dans plusieurs régions du pays (une dizaine de département) contre la baisse de leurs revenus, due à une chute de la production et à la baisse des cours internationaux (de 35 % sur la durée de 2012). Comme palliatif, le gouvernement a annoncé la création d'une commission pour identifier les principaux problèmes du secteur et apporter des solutions, explique le quotidien » El Espectador. (Source : Courrier International)

Les producteurs de café colombiens après 12 jours de grève et de blocages des routes ont trouvé un accord avec le gouvernement. Cela faisait depuis 1991, que les « cafeteros » ne s’étaient pas mis en grève. Le mouvement de colère a été important et a paralysé une bonne partie du pays. Aussi, il y a eu quelques incidences dans la région andine ou sur les pays frontaliers du sud. Il a fallu entre autres rapatriés 80 personnes chez eux par avion et ce sont près d’un millier de péruviens au total, qui ont été coincés sur les routes et confrontés à cette paralysie du pays, s’entendant du sud au centre nord du pays (Département du Cauca, d’Antioqua, …).

La grève des producteurs touchait le pays depuis la semaine dernière. Ils protestaient  contre la baisse de leurs revenus de moins 13 % (en cumul pour 2011 et 2012) ainsi que la baisse des prix sur l’arabica en 2012. Le café (arabica) est le troisième produit le plus exporté par la Colombie et il a connu également un renchérissement du peso face au dollar de plus de 10 % en 2012. La colère grondait depuis quelque temps, faute d’être pris en considération, les caféiculteurs ont été amenés pour se faire entendre des autorités publiques à bloquer de nombreuses voies de circulation dans le pays et décrétés une grève puissante et soutenue par la population.

Le gouvernement colombien a annoncé une hausse des subventions accordées aux producteurs

Cela concernera notamment, les petits producteurs exploitant moins de 20 hectares, représentant 95 % des cultivateurs, soit près de 550.000 familles de producteurs de café. Ils percevront dorénavant un prix minimum de 145.000 pesos par sac de 125 kilos, ils verront aussii leur allocation doublée. Le « soutien au revenu des Cafeteros » passe de 30.000 pesons à 60.000 par sac, soit plus de 12 euros d’aide supplémentaire aux producteurs par sac. Les aides gouvernementales représenteront un total 800.000 millions de pesos colombiens par an (environ 400 millions d’euros).

Le Président Santos a justifié l’augmentation des allocations et le prix de base, en raison de la crise sur la valeur du grain engendrée par les prix à international et la réévaluation de la monnaie, ainsi que la diminution du volume de production de ces  4 dernières années, passant de 12 millions de sacs à 8 millions et les effets des saisons des pluies. (Source El Tiempo)

Le café est un secteur important de l’économie. La Colombie est le deuxième producteur d’arabica dans le monde après le Brésil (le 4ème pour l’ensemble des cafés arabica et robusta). La fluctuation des prix et la concurrence de son voisin sont des facteurs ayant contribué à cette forte crispation sociale. Face à cette forte pression sociale, le gouvernement a dû engager des négociations et elles ont abouti à un accord entre les différentes parties.

Cependant, le conflit a donné lieu à des affrontements violents, en particulier lors du blocage de certains axes routiers entraînant des heurts avec les forces de l’ordre de l’ESMAD, si l’on a pu constater des blessés, il n’est pas à regretter de morts, semble-t-il. Ceci n’est pas un détail, quand on sait le rôle joué par ces forces de sécurités lors d’autres conflits sous la gouverne d’Alvaro Uribe jusqu’en 2010.  Toutefois, certaines méthodes n’ont pas vraiment changé…

RSF : « L’Etat a le devoir de garantir la liberté de l’information et la protection des journalistes, comme le précise l’article 73 de la Constitution colombienne. »

Le Secrétaire général, Christophe Deloire de Reporters sans frontières a déploré les nombreuses violences subies par les journalistes qui couvraient l’événement, ainsi que les travailleurs du mouvement social volontairement agressé par des membres de l’ESMAD ou par provocateurs associés à celles-ci.

« A Garzón (Huila), le 27 février, plusieurs agents de l’Esmad ont lancé des grenades lacrymogènes dans les locaux de Radio Garzón, où des paysans s’étaient réfugiés afin de fuir la violence perpétrée à leur encontre. Plusieurs employés de la radio ont été affectés par le gaz lacrymogène, tels qu’Humberto Sosa, Angel Vargas et Luz Ángela Rodríguez, enceinte de sept mois et qui a dû être transférée à l’hôpital. Depuis cette date, Radio Garzón a cessé de fonctionner, ses équipements ayant été très sérieusement endommagés.

Des incidents similaires se sont produits à Ibagué (Tolima), où plusieurs journalistes ont fait les frais de la violence des affrontements entre les paysans et les forces de l’Esmad. Ces dernières ont lancé des grenades lacrymogènes à l’intérieur d’un restaurant, où des journalistes et des producteurs de café s’étaient réfugiés. Plusieurs professionnels des médias ont été frappés violemment par des hommes de l’Esmad. On compte parmi eux Miguel Gómez (radio FM), Germán Acosta (RCN Radio), Milton Henao (Telesur), Oscar Borja (journal Q’hubo), Nelson Lombana (Semanario Voz), ainsi que des journalistes de médias alternatifs.

Le même jour, en marge de la grève à Huila, Edgar Donoso de Caracol TV, et un autre journaliste de RCN Televisión, et les cameramen avec lesquels ils travaillaient, ont été agressés physiquement et verbalement par des agents de la Police nationale. Ces derniers ont également endommagé leur équipement. Des excuses ont toutefois été présentées par le Général Rodolfo Palomino,qui se trouvait sur place.

A Neiva (Huila), les forces de l’ordre ont fait intrusion dans les locaux de l’agence de communication Colombia Informa, sous prétexte de rechercher des explosifs qui auraient été utilisés durant la grève. Les journalistes de l’agence ont exprimé leurs inquiétudes, ne comprenant pas la raison d’une telle visite, qui visait manifestement à les intimider. L’agence signalait régulièrement les abus de la police commis à l’encontre des manifestants.

Enfin, à Fresno (Tolima), le 4 mars, le directeur du journal Región Al Día, Rodrigo Callejas, a été menacé et empêché de couvrir les événements liés à la grève des producteurs de café par des individus masqués, apparemment membres de groupes armés et infiltrés parmi les grévistes. La veille, des journalistes de Telecafé avaient également été empêchés de filmer dans certains quartiers de la ville par des individus similaires. »

Pour lire la lettre en entier à l’adresse du ministre de l’Intérieur colombien « Violences policières contre des journalistes durant une grève  », cliquez ici !

Si l’on peut se réjouir qu’un accord ait été trouvé, il n’en demeure pas moins que certaines pratiques policières brutales restent en œuvre et posent problèmes quand au respect des règles du droit national colombien et international. Que ce soit celui d’informer ou de manifester pacifiquement. Cette pratique répressive des forces spéciales de l’ESMAD perdure, elle doit cesser de la part des autorités colombiennes.


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  • Libération « En Colombie, les caféiculteurs veulent de nouvelles règles du jus », cliquez ici !
  • AFP via Libération « Colombie: axes routiers bloqués par des camionneurs et producteurs de café », cliquez ici !