de Sabino Romero
au Venezuela
Par Antonin Quetal
« Sabino était un exemple de résistance, qui nous a légué
toute sa force pour continuer à lutter en faveur des droits des peuples
autochtones. » C'est par ces mots, ceux du cinéaste vénézuélien Carlos
Azpurua, que j'ai appris l'assassinat de Sabino Romero, un homme que j'admirais
pour sa façon de combattre.
Il y a des jours qui se chargent de deuil jusqu'à
l'étouffement. Comme ce dimanche 3 mars 2013, où le chef Yupka SabinoRomero a été assassiné au bord d'une route par deux tueurs à moto, ces
professionnels de la mort qu'en Colombie, au Honduras et au Venezuela on
appelle des « sicarios » : une vermine qui y prospère grâce à
l'accouplement des hommes politiques avec les trafiquants.
Et parce que Sabino
Romero était un combattant infatigable, un homme en lutte pour que justice soit
rendue aux (amer)indiens du Zulia, il avait aussi beaucoup d'ennemis dans la Sierra
de Perijá où il vivait.
À commencer par les propriétaires terriens, les entreprises
agro-alimentaires et toute une série d'hommes politiques qui n'avaient de cesse
que de criminaliser ces luttes que menait Romero, seulement soutenu par les
indiens Yukpas et quelques ONG, liées à la défense de l'environnement et des
Droits de l'Homme.
Dans l'ombre des beaux discours bolivariens des
dirigeants politiques du Venezuela, toujours prêts en théorie à partager la
terre avec les indiens Yukpas, Sabino Romero avait écopé de dix-huit mois de
prison ferme et reçu plus d'une vingtaine de menaces de mort.
Pour le journal Opción Obrera, « l’Etat est complice » de cet assassinat
Il suffit de rappeler, par
exemple, qu'en 2009 José Romero, le propre père de Sabino Romero avait été
assassiné, selon une tradition propre au Vénezuela où nombre de militants
trouvèrent la mort sous les balles des sicarios : Michael Martinez, Luis
Hernandez, Richard Gallardo, Alexander Fernández et Carlos Requena (ci-contre), pour
ne citer que les derniers d'entre eux.
Si les commanditaires du meurtre de Sabino Romero sont
à chercher, avant tout, parmi les richissimes dirigeants des groupes miniers qui
exploitent le sous-sol de la Sierra de Perijá, il ne fait aucun doute que
l’État vénézuélien porte lui aussi une part de responsabilité,
puisque les crimes de ces quatre militants y sont restés impunis.
L'ancien ministre de la Justice, Tareck El Aissami, ainsi que la ministre
des Affaires indiennes, Nicia Maldonado, peuvent eux aussi être désignés comme
des complices pour ces assassinats.
Il faut dire aussi que le 13 novembre 2003, le président
Hugo Chavez avait annoncé l'augmentation de l'extraction du carbone, pour
parvenir à une production de 36 millions de tonnes par an dans les territoires
habités par les différents groupes indigènes du Venezuela.
Face à ce
zonage minier de la province de Zulia, Sabino Romero faisait partie de ces
chefs (amer)indiens décidés à lutter par tous les moyens, que ce soit par l'action
directe à Caracas, en occupant pacifiquement un tribunal, ou par l'occupation
des terres indigènes autour de Chaktapa, confisquées par des éleveurs de
bétail.
Face à eux, l'homme qui vient de mourir n'avait pas d'autres
armes que sa parole.
- Venezuela, assassinat du chef Yupka Sabino Romero. (en français)
- Interview de Sabino Romero, novembre 2012. (Vidéo, espagnol, 16mn)
- Il est temps de respecter les lois indigènes., 2012. (Vidéo, espagnol, 23 mn)
Sources : articles et photos le blog Sipetitezone